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Grécourt.

En route. Il faut, avant que la nuit soit tout à fait tombée, aller à Grécourt, petite commune située à neuf kilomètres de Nesle, afin d’y visiter la colonie américaine de Smith College.

Smith College !... Ces deux mots, prononcés par mes compagnons de route, réveillent en moi les visions d’un ancien voyage d’outre-mer. A travers le vaste silence de la brousse humide, voilée par le brouillard d’un soir d’hiver, au delà des horizons de la campagne ravagée et des arrière-plans noyés de brume, perdus dans les remous d’une houle de pluie et d’ombre qui aggrave la tristesse de la Picardie en deuil, j’aperçois en imagination, au fond du lointain Massachusetts, une ville, Northampton, avec son église épiscopale, son avenue d’ormes déjà plus que centenaires, ayant été plantés au temps de Washington et de La Fayette, sa rivière navigable, ses rues tranquilles où abondent, comme dans les vieux quartiers universitaires de notre rive gauche, les libraires et les papetiers. C’est que Northampton, cité paisible, appartient, par droit de conquête, aux milliers d’écolières qui, de tous les Etats de l’Amérique entreprenante et studieuse, sont venues à Smith College pour y apprendre les disciplines des bonnes lettres, de la gaie science, des arts et des métiers. Smith College est un des centres intellectuels du Nouveau-Monde. Qui m’eût dit qu’un jour je retrouverais ici une élite de ces jeunes filles belles et vaillantes, dont j’entendais les propos graves et les rires sérieux, tandis qu’elles allaient et venaient par groupes, d’une allure vive et décidée, à travers la neige et le verglas d’un jour de février, déjà lointain, hélas !... M. Clarke Seely était alors président de Smith College. Sous sa direction prévoyante et organisatrice, un programme très complet, harmonieusement équilibré, occupait, à chaque heure du jour, depuis la première aube jusqu’à la nuit tombée, les étudiantes de cette grande maison gracieusement studieuse. Je me souviens d’avoir vu, sur l’annuaire de cet établissement d’instruction, fondé par l’initiative d’un riche donateur, le nombre étonnant des élèves à qui l’on enseignait, là-bas, les lettres françaises, latines, grecques, anglaises, les mathématiques, la musique et aussi les sports que les institutions athlétiques de l’antiquité prescrivaient, conformément, au rythme de. la vie, afin de compléter