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— Nous ne voulons pas, disent-elles, que notre assistance prenne la forme d’une simple aumône, qui serait humiliante pour nos obligés et sans conséquences morales. En dehors des cas de maladie et d’indigence, nous avons établi le principe d’un échange amical qui sauvegarde la dignité de chacun, et qui nous procure des ressources pour une aide nouvelle. Ainsi nos épiceries, dans les villages, ne donnent pas les denrées pour rien, ce qui, à la longue, serait absurde. L’aumône déraisonnable entraîne fatalement la mendicité. Nous demandons une faible rétribution qui maintient des relations normales entre les habitans du pays et notre amicale colonie. La répétition machinale du don gratuit finirait par éteindre toute énergie en des âmes que nous voulons, au contraire, réveiller, encourager pour le travail et pour l’effort. Il faut ramener ici, aussitôt que possible, le régime des transactions habituelles et du budget régulier. Mais vous remarquerez le bon marché de nos denrées alimentaires. Le lait de nos vaches se donne à raison de trente centimes le litre. Ce n’est pas cher. Nous avons vendu, dans les mêmes conditions, trente-six lapins et tellement de poules et de poulets que notre poulailler est maintenant vide, et que nous avons dû faire une importante commande afin de repeupler notre basse-cour qui s’épuise ainsi que nos magasins de provisions alimentaires et nos réserves de combustibles. Si vous avez des poules disponibles, envoyez cette volaille au château de Robécourt, à Grécourt, par Nesle (Somme). Le Relief Unit de Smith College vous sera reconnaissant de cet envoi... Notre principe, c’est de vendre à très bon compte ce que nous possédons, et d’acheter le plus cher possible le travail des gens du pays. Nous voulons fonder des ouvroirs et des ateliers. Les filles du voisinage seront employées à la couture et confectionneront des trousseaux, moyennant un bon salaire. Les garçons, dans les mêmes conditions, apprendront des métiers. Nous leur donnerons des outils et de l’ouvrage. Quant aux enfans qui ne peuvent pas encore travailler, ils joueront. Nous leur apprenons des jeux.. Pauvres petits ! La plupart d’entre eux ne savent plus jouer. Nous voulons rapprendre la gaieté à ces jeunes Français...

Tandis qu’une voix jeune, nuancée par les inflexions d’un joli timbre musical, m’expose cet admirable programme de réconfort et de consolation, je vois passer une ombre de mélancolie