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LES ROMANS DE GUERRE
DE M. STILGEBAUER

Il s’est trouvé depuis la guerre quelques Allemands de marque pour déserter la cause allemande. Alors que les Français proclament à l’unisson le bon droit de la France, on voit des Germains retournés avec violence, mieux encore, dressés avec dégoût contre leur patrie. Et la liste de ces renégats par honnêteté s’accroît chaque jour.

Le romancier Edward Stilgebauer figure sur cette liste à un rang qui lui fait honneur. Tout comme ses frères en révolte, il a dû renoncer, d’ailleurs, à vivre en Allemagne et il s’est fixé en Suisse. Ce pays est devenu le rendez-vous des réfractaires allemands. Les plus hardis d’entre eux ont même fondé à Berne une gazette : Die Freie Zeitung (le Libre Journal) où Guillaume II et cette politique qu’il aggrava après l’avoir apprise de ses ancêtres sont vigoureusement, et à combien juste titre ! attaqués et maudits. Les articles de M. Stilgebauer sont parmi les plus cinglans de cette feuille qui préconise dans la fondation d’une république allemande le seul moyen de rénover l’Allemagne.

Les deux romans publiés par M. Stilgebauer depuis la guerre, Inferno et le Navire de la Mort [1], sont bien l’œuvre d’un journaliste, c’est-à-dire d’un homme plus soucieux de peindre la réalité immédiate, dans ce qu’elle a de confus et de passionnant, que d’étudier les phénomènes transcendans « sous l’aspect de l’éternité. » C’est une tournure d’esprit qui n’incline point à la conception de ces chefs- d’œuvre dont s’enorgueillit la littérature universelle, mais, si elle n’assure pas la gloire, elle procure le succès qui en est, comme on

  1. Inferno, Bâle, 1916, et Das Schiff des Todes. Olten, 1917.