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« Mon cher ami,

« Cela vous sied-il aujourd’hui de m’envoyer notre reste de compte ? Je sors des horreurs des sangsues et des cataplasmes pour une bêtise que j’ai faite, c’est pourquoi je ne vais pas moi-même à la Revue

« A vous.

« A. DE MUSSET. »


Après une nuit de travail, sur du papier à chandelle, il griffonne :

« Voilà, mon cher, une pièce de bœuf que j’ai tirée de mes côtes cette nuit. Il faut, sacredieu, que ce soit pour vous. Il ne m’est guère arrivé d’en tant faire sans démordre. Je vais me coucher, la prose m’embête.

« A vous,

« A. DE MUSSET. »


Ou ceci :

« J’ai passé la nuit, et je suis éreinté.

« Voilà, c’est long. Mais je ne veux pas couper, ni rien changer. Arrangez-vous. Donnez-moi cinquante francs. Quand j’ai travaillé, il faut que je sorte, autrement cela ne va pas [1].

« A vous,

« A. DE MUSSET. »


Quelque admiration qu’il eût pour son poète, F. Buloz ne lui épargnait point les critiques, témoin ce billet d’Alfred de Musset :

« J’ai passé la nuit en votre honneur à refaire mes vers. Ne vous effrayez pas s’ils vous semblent un peu excentriques, je vous en prie, j’en brave les dangers [2] ! »

Le vrai reproche, le reproche fondamental, que faisait Buloz à Musset, c’était l’insouciance du poète, sa paresse. On se souvient de la réponse de Musset à ce sujet, réponse qui est dédiée au directeur de la Revue :


« Oui, j’écris rarement et me plais à le faire :
Non pas que la paresse en moi soit ordinaire ;

  1. Tous ces billets sont inédits.
  2. Inédit.