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Sur la liasse de cette année 1833, de la main de F. Buloz encore, on lit « Dîner Lointier. Planche règne, première insertion, fragment de Lélia. Les demandes d’avances naissent, et vont leur train. » — Ces deux mots « Diner Lointier » soulignés prouveraient bien que le fameux dîner, où George Sand rencontra Musset pour la première fois, n’eut pas lieu aux Frères provençaux, mais chez Lointier [1]. C’est ce qu’affirmait d’ailleurs Sainte-Beuve ; il est vrai que le même Sainte-Beuve a écrit également que Musset n’assistait pas au repas ; pourtant la lettre de G. Sand, qui suit, semble assez claire. Sans nommer personne, elle remercie F. Buloz de l’avoir fait dîner en très bonne compagnie [2].


« Vendredi soir.

« Mon cher Buloz, vous savez pourquoi je ne vous ai pas donné ma Vieille Histoire [3]. Je ne l’ai pas trouvée assez sérieuse pour votre recueil, et je veux tâcher de faire, pour vous, quelque chose de mieux.

« Je vous remercie des choses bonnes et obligeantes que vous m’en dites, et je les prends pour une marque de votre bienveillance pour moi. J’aurai toujours un grand plaisir à vous voir quand vous passerez chez moi, et je vous promets de travailler pour vous, aussitôt après que j’aurai fini mon livre.

« Je ne sais pas quels remerciemens vous avez à me faire. Il me semble que c’est moi qui vous en dois, pour m’avoir donné un très bon dîner en très bonne compagnie ; j’en avais chargé Planche ; je ne sais s’il a fait ma commission. »


Ce livre dont elle parle, c’est Lélia, que l’éditeur Dupuy doit publier. F. Buloz a demandé des fragmens de Lélia pour la Revue, et l’auteur répond : « Dupuy tient beaucoup à ne pas voir paraître un fragment de mon livre, plus de quinze jours avant le jour de la mise en vente. Malheureusement, je n’aurai pas terminé le manuscrit du second volume de Lélia avant la fin d’avril. Dès que j’aurai fini, vous me trouverez disposée à vous laisser choisir un fragment complet qui puisse vous convenir [4].))

  1. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours entendu affirmer aussi par les miens.
  2. Suivant Sainte-Beuve, à ce diner assistaient Jouffroy, Alexandre Dumas, Aug. Barbier ; il n’en donne pas la date : d’après les lettres de G. Sand, le diner Lointier serait de la fin de mars 1833.
  3. Une Vieille Histoire : Lavinia mars 1833 ; chez Canel et Guyot.
  4. Inédite.