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Des fragmens de Lélia parurent, en effet, dans la Revue des Deux Mondes, en avril de cette même année, 1833.

Nous ne pouvons pas, je crois, nous faire actuellement une idée des enthousiasmes, des indignations, des scandales, des discussions, des polémiques, dont Lélia, en 1833, fut la cause, à une époque où les événemens littéraires absorbaient et passionnaient la jeunesse française. Aussi Lélia, dans une société divisée et toute vibrante de libertés nouvelles, sembla-t-elle tantôt une œuvre de génie, tantôt un blasphème : pour tous, elle parut un défi aux mœurs et à la société.

Sur ce livre de Lélia, la presse se déchaîna. Ce ne sont que dithyrambes ou anathèmes : on adore ou l’on hait ; aucune opinion tiède ne se manifeste, aucun « juste milieu. » Je retrouve quelques pages de la main de Musset concernant Lélia [1]. Les voici, malheureusement tronquées :

« ... mélodramatique.

« Quoi qu’il en soit, ce livre n’en est pas moins l’ouvrage le plus important de l’école nouvelle. Il s’en distingue par une qualité éminente, la pureté du style et l’originalité de la forme. Il est écrit de verve, et il ne s’est glissé sur le tissu de cette belle étoffe aucun des fils, un peu épais, qui cousent la trame de nos drames modernes dans leurs pourpoints de pacotille. Certaines coteries ont prétendu que Lélia était l’étendard d’une levée en masse contre la littérature réelle, et qu’il ne s’y agissait de rien moins que de faire crouler tous les romans visibles (comme on dit) et une grande partie du moyen âge. Nous sommes obligés de déclarer, sur ce chapitre, ne comprendre absolument rien à des questions de cette nature.

« On dit que deux ou trois articles de ce livre ont donné lieu à des affaires particulières, entre quelques journalistes distingués ; nous ne pouvons que regretter de voir, chez les uns une fâcheuse habitude de faire descendre la critique à des personnalités qui devraient lui être étrangères, et chez les autres trop peu de philosophie dans un siècle de liberté ! »

Les affaires particulières, auxquelles Musset ici fait discrètement allusion, il s’y intéressa vivement, et surtout à celle du duel Planche-Capo de Feuillide, conséquence d’un feuilleton de Capo de Feuillide, rédacteur en chef de l’Europe littéraire,

  1. Dans sa correspondance avec F. Buloz.