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pourrez mettre dans la Revue, et qui complétera nos deux volumes avec Metella.

« Fiez-vous à mes bonnes intentions, et prenez patience. J’ai besoin d’amitié maintenant, plus que de reproches. Je vous prie en grâce de payer la dette d’Alfred, et de lui écrire que c’est une affaire terminée. Vous ne pouvez pas imaginer l’impatience, et l’inquiétude, que cette petite affaire lui cause. Il m’en parle à tout instant, et me recommande tous les jours de vous écrire à cet égard. Il doit ces 360 francs à un jeune homme qu’il connaît peu, et qui peut s’en plaindre dans le monde. Alfred est très chatouilleux pour ces sortes de choses, et ne rêve déjà que soufflets à donner, et coups d’épée à échanger. Vous lui avez déjà fait des avances bien plus considérables, il s’est acquitté, et vous ne craignez pas qu’il vous fasse banqueroute. Si, par suite de sa maladie, il restait longtemps sans pouvoir travailler, soyez tranquille, mon travail subviendrait à cela. Faites-le donc, je vous prie, et écrivez-lui vite une petite lettre bien courte, et bien rassurante, que je lui lirai, et qui lui tranquillisera un des tourmens de sa pauvre tête [1]. Ah ! si vous saviez, mon ami, ce que c’était que ce délire ! quelles choses sublimes et épouvantables il disait, et quelles convulsions, quels cris ! Je ne sais pas comment il a eu la force d’y résister, et comment je ne suis pas devenue folle moi-même.

« Adieu, adieu mon ami,

« Tout à vous,

« GEORGE. »


‘ « Ne parlez pas encore de sa maladie, à cause de sa mère. »)


Un peu plus tard, dans une autre lettre, non datée, elle répète : « Alfred est sauvé, et va de mieux en mieux... je travaille beaucoup... » Et elle annonce, en effet, un manuscrit « assez considérable pour faire vingt feuilles d’impression, peut-être plus... » Elle envoie Leone Leoni et bientôt André... « que vous recevrez dans huit jours. »

  1. On voit par cette lettre que la fameuse histoire de la dette de 10 000 francs est réduite à néant. En effet, on a raconté qu’une dette de jeu de 10 000 francs pesait sur Alfred de Musset, qu’à Venise George Sand l’avait payée par son travail : tout cela se réduit à la petite somme de 360 francs, que F. Buloz paya pour ses amis, et dont il ne fut plus question. Nous sommes loin de cette forte dette, contractée par un homme, payée par une femme, etc.