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« Il était fini aux trois quarts quand Alfred est tombé malade, mais la triste disposition d’esprit où je me suis trouvée alors, m’a rendu ce sujet tranquille et pastoral absolument impossible à traiter. Vous savez qu’on n’écrit pas comme on tourne une roue. J’ai donc fait Leoni en quatorze jours, j’ai passé plusieurs nuits, et je ne me suis pas épargnée. C’est pourquoi je me trouve très insultée par l’impatience brutale de M. Bonnaire [1]. Des gens comme cela vous verraient crever avec joie, pourvu qu’ils aient mille écus à gagner sur la sueur de vos veilles, et les frissons de votre fièvre. Mais n’en parlons plus. Cela heureusement ne nous regarde pas ; je jure bien que sans vous et l’amitié que vous m’avez toujours montrée, je romprais avec la Revue aussitôt que mes engagemens seraient remplis.

« Je vous disais donc que vous auriez André dans huit jours, et que vous le publieriez inédit. Quant à Leoni qui est moins long, à ce que je crois, vous devriez tâcher de le mettre en deux ou trois volumes dans la Revue. C’est une chose qui a beaucoup d’action et qui peut très bien supporter le morcellement. Quant au paiement, nous nous entendrons à l’amiable... Je vous prie seulement de m’envoyer mille francs à la réception de Leoni, et 500 à la réception d’André...

« Adieu, mon ami, remerciez pour moi Sainte-Beuve de la part qu’il a prise à mes chagrins, et demandez-lui, comme un véritable service à me rendre, de corriger les épreuves de Leone-Leoni, les fautes d’orthographe, les mots répétés, les phrases anti-françaises, les mots de mauvais goût, etc. Donnez-lui plein pouvoir en tout cela.

« S’il en est temps encore, faites ces mêmes corrections sur Melchior, et la Marquise.

« Adieu, mon ami, je tombe de fatigue et de sommeil. J’ai travaillé onze heures cette nuit. Si je ne tombe pas malade, et j’espère que non, car je me sens très forte en ce moment, je porterai à Paris au mois d’avril le premier volume de Jacques. Il est commencé, et j’y ai travaillé alternativement avec André, lorsque j’étais souffrante. Je vous remercie encore de votre intérêt, et je vous quitte pour aller avec M. Tattet au théâtre de la Fenice, où chantent Mme Pasta et Donzelli. Je n’y ai pas

  1. F. Bonnaire refusait de faire de nouvelles avances à l’écrivain (qui avait touché 10 000 francs) avant d’avoir reçu ses manuscrits.