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de fer orientaux. Une combinaison financière, suggérée par la Russie, toujours serviable et amicale, permit au jeune État de trouver cette somme, sans avoir à s’endetter. Néanmoins, l’opération ne jetait aucun lustre sur la politique du nouveau Tsar, et il y avait tout de même quelque différence entre le payement d’une rançon et la conquête de l’indépendance à la pointe des baïonnettes, comme avait été acquise celle de la Roumanie. L’armée bulgare, qui avait conscience de sa force, constatée par tous les attachés militaires étrangers, fut humiliée de la solution pécuniaire et pacifique du conflit. Dès lors elle brûla d’entrer elle-même en scène contre les anciens maîtres de son pays.

Ce désir de revanche, non moins que les fautes commises par le gouvernement des Jeunes-Turcs, facilita trois ans plus tard la conclusion du bloc balkanique, sous la forme de traités d’alliance signés par la Bulgarie avec la Serbie et la Grèce. L’idée circulait dans les esprits d’un bout à l’autre de la péninsule. Aussi a-t-elle eu vraisemblablement plusieurs pères qui peuvent revendiquer l’honneur de lui avoir donné le jour. Cependant le tsar Ferdinand n’a pas hésité à s’attribuer cette paternité douteuse. M. Venizelos, l’homme d’État attentif à saisir l’occasion de réaliser les aspirations de l’hellénisme, a pris incontestablement l’initiative de pourparlers directs et secrets avec le cabinet bulgare. Ce qui est certain aussi, c’est qu’il y eut dès l’origine divergence de vues quant au but à atteindre entre Ferdinand Ier et ses alliés. Impuissant à endiguer le courant belliqueux qui régnait en Bulgarie et décidé cette fois à jouer la partie sur les champs de bataille, il n’a pas considéré l’union balkanique comme une coalition d’États égaux, que les mêmes mobiles poussaient à prendre les armes. En cas de succès, la guerre de libération devait, dans sa pensée, se changer immédiatement en guerre de conquête, en même temps qu’elle donnerait aux Bulgares, plus nombreux et mieux préparés militairement, l’hégémonie de la péninsule. Il a tout de suite entrevu, comme couronnement de la victoire, la prise de Constantinople, puisque c’est contre la capitale, et non en Macédoine, que s’est porté son principal effort. Tels sont les films captivans qui se déroulèrent devant le Tsar et son armée, avant même que commençât la déroute turque. La preuve en est encore dans l’acharnement des généraux bulgares contre la