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nous-mêmes par l’autre face, des observatoires pareils situés à l’Ouest de l’Ancre.

Cette traversée, d’Albert à Bapaume, nous a donné une idée de la construction du grand faîte qu’il fallait conquérir. Nous avons devant nous trois zones successives, dont il faut franchir la profondeur.

C’est d’abord une zone ondulée, mouvementée, où se trouvait la première position allemande. La roule la franchit à la Boisselle, auprès d’un immense cratère de mine. Plus loin sur la droite, se trouve Fricourt, dans un lacis de plis de terrain, au delà d’un fond flanqué et dominé par dos hauteurs. Sur une de ces hauteurs, à qui les Anglais ont donné le nom du Roi, une lutte de mines s’est livrée, qui a changé ce mamelon picard en une sorte de paysage alpestre. Plus en arrière, Contalmaison est dans une cuvette, qui ferme complètement l’horizon, et l’on se rend compte de la difficulté qu’a éprouvée le IIIe corps quand il a dû déboucher des crêtes dans cet entonnoir, où l’ennemi, invisible, était blotti. Du village même, il ne reste rien : un pan de mur rouge, bizarrement hérissé, dernier débris du château. — A droite de Fricourt, la ligne de départ se poursuit devant Mametz, puis devant Montauban ; là nous sommes à l’extrême droite britannique, formée par le XIIIe corps.

Une fois la première zone franchie, on arrive à une seconde étape, qui est la crête méridionale du grand faite qu’il fallait enlever. C’est la ligne jalonnée par Pozières, Bazentin-le-Petit, le bois de Bernafay et le bois des Trônes : bois ruinés, ou les fûts restent debout, cadavres d’arbres, tandis que le taillis autour d’eux est haché et rasé. De cette crête, qui portait la seconde position allemande, il reste à gagner le sommet qu’on aperçoit devant soi à quelques centaines de mètres. On en est séparé par un espace plat, légèrement montant, un glacis nu ; au point le plus haut, une tache noire, qu’on voit de partout : le bois des Foureaux. Je ne connais guère de promenade plus mélancolique que d’aller visiter ce bois. De quelque point qu’on s’y rende, il faut traverser les grands espaces nus du plateau qu’il couronne, les espaces par lesquels la 51e division l’a enveloppé. Un immense silence règne sur ces solitudes. Le vent apporte l’odeur de la mort. Le bois est si bouleversé de trous d’obus et de tranchées, qu’il est impénétrable. Dans un creux, on voit un amoncellement de casques. Un soldat allemand,