Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombé sur le côté et replié sur lui-même, est enfoui sous le sable du sentier. Le bord de ses semelles paraît, et le corps se dessine comme un linéament. Çà et là, une capote plate et durcie, sous laquelle se trouvent quelques os. Des culots d’obus, du matériel rouillé, épars. Dans un fossé, un cheval, l’avant-train encore couvert de chair et de peau, tandis que l’arrière-train est un squelette nu. — Un peu à l’Est du bois des Foureaux, une autre tache est le bois Delville, qui enveloppe Longueval.

Cette ligne bois des Foureaux-bois Delville était l’objectif définitif. Tant que l’ennemi l’occupait, il dominait les positions anglaises et les voyait. Une fois que nos alliés l’ont eu prise, ils n’ont eu devant leurs pas que les pentes descendantes qui s’abaissent vers l’Ancre, et devant leurs yeux, au delà de cette rivière, les collines de la rive Nord.

Le bois des Trônes a formé longtemps la limite orientale des positions anglaises. Si, en effet, on regarde de là vers l’Est, on a devant soi un nouveau piège : le terrain forme un creux, et dans ce creux était caché l’invisible Guillemont. On comprend que ce village ait été pris et repris pendant des semaines. Il n’en reste aujourd’hui aucune trace, pas même un pan de mur ou un squelette d’arbre. Mais, en regardant le sol retourné par les obus, on distingue, mêlé à la terre, le ton rouge des briques. Au delà de Guillemont, toujours en marchant à l’Est, on remonte, on passe entre deux bois détruits, le bois des Bouleaux à gauche, le bois de Leuze à droite, et l’on replonge dans une nouvelle cavité, au fond de laquelle se trouve Combles.

Là encore on est dans un vaste entonnoir sans vue, un piège qu’il a fallu envelopper, au lieu de l’attaquer de front. Mais sur ces pentes convergentes des débris de maisons sont encore debout, au milieu des fantômes des arbres qui furent des vergers. Ces pans de murs en briques, ces branches mortes, s’élèvent bizarrement. L’un d’eux, percé d’un portail, est tout ce qui reste de l’église. Par les belles journées de janvier 1917, quand tout le pays était couvert d’un linceul de neige, ces ruines se dressaient, rouges et noires, sur la blancheur du sol incliné. Le ciel était comme une coupole sur la terre creuse.

Derrière Combles, en continuant vers l’Est, le terrain se relève vers de nouvelles rides de hauteurs, puis il redescend vers la vallée de la Tortille. Nous avons vu qu’au Nord il