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s’abaissait de même vers l’Ancre. Ces vallées ont une extrême importance. Chassés des crêtes, les Allemands devaient trouver, au Nord comme à l’Est, des positions à contre-pente où il serait très difficile de les forcer. Ces deux lignes perpendiculaires de l’Ancre et de la Tortille ne se rejoignent pas. Elles laissent entre elles dans le Nord-Est, à l’angle de l’équerre, un blanc. Et ce blanc est fermé par un massif distinct, isolé, une sorte de forteresse naturelle avec ses fossés, sa contrescarpe, ses glacis et ses ouvrages avancés. Cette citadelle, où la nature a travaillé comme un ingénieur, c’est Bapaume. Elle verrouille la porte ouverte entre l’Ancre et la Tortille et forme avec ces deux rivières un système défensif à l’angle rentrant, extrêmement fort.

La liaison entre la droite britannique et la gauche française se faisait un peu au Nord de la Somme, le général Fayolle ayant un corps d’armée sur la rive droite. Passons, maintenant la rivière, et voyons le terrain de la rive gauche.

C’est une sorte de manège, enfermé sur deux côtés par le grand coude que fait la Somme à Péronne. Par suite de cette disposition, les Français, attaquant face à l’Est avec la Somme à leur gauche, devaient, au bout de dix kilomètres, retrouver la Somme cette fois devant eux, non plus comme point d’appui, mais comme obstacle. Un champ clos ainsi limité était également gênant pour l’attaque et pour la défense. L’assaillant n’avançait que pour buter par un obstacle presque impossible à franchir ; le défenseur avait été obligé par le manque de profondeur du terrain de rapprocher tellement ses trois positions, qu’au lieu de remplir leur rôle et d’imposer à l’attaque des tâches successives, elles furent emportées d’un seul coup. Le terrain est un vaste plateau couvert d’un limon jaune, complètement plat et sans vues. D’Herbécourt, à la hauteur de la seconde position allemande, on ne voit autour de soi que le cercle nu de l’horizon, avec le Bois Vert au Sud. Le pays, qui est le Santerre, est donc très différent de ces collines mouvementées que nous avons vues au Nord de la Somme. On en a une bonne . idée en suivant la chaussée d’Amiens à Vermand. Parfois l’étendue horizontale est coupée par un ravin, et ces ravins compartimentent seuls la plaine. On passe les lignes après Foucaucourt, les premières tombes bordent la route. Après le chaos de ruines d’Estrées, on voit devant soi, très loin vers l’Est, un