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français qui ne cessèrent de survoler la capitale aient pu être aveugles à ce point, comment imaginer que l’ennemi n’aurait pas lancé des projectiles aussi efficaces que possible ? Or, les fragmens ramassés prouvaient qu’il s’agissait de projectiles à parois très épaisses et par conséquent relativement peu efficaces, puisque la capacité explosive était diminuée d’autant, et d’ailleurs beaucoup plus lourds que s’ils avaient, à dimensions égales, été plus chargés en explosifs. Comment supposer que des avions eussent emporté, — alors que leur capacité portante et leur rayon d’action sont si limités, — des bombes inutilement alourdies aux dépens de l’efficacité ? D’ailleurs, l’examen des points de chute montra bien vite qu’il s’agissait de projectiles arrivant latéralement et venant d’une seule direction, ce qui excluait une origine zénithale et supposait un point de départ lointain et à peu près fixe.

En procédant ainsi par élimination, on est arrivé à conclure qu’il ne pouvait s’agir que d’un projectile lancé de l’intérieur même des lignes ennemies.

On a supposé pour expliquer cette portée de 120 kilomètres (car telle est à peu près la distance du « Kanon » à Paris) que l’obus qui sortait de la pièce était un gros projectile qui en contenait à sa partie avant un plus petit. Le premier, grâce à une fusée à temps, se comporterait lui-même par rapport au second comme un canon, à un certain point de la trajectoire, en le projetant lui-même en avant au moyen d’une charge de poudre auxiliaire placée en arrière du plus petit. C’est la théorie de l’obus-gigogne (par analogie avec le jouet appelé « mère-gigogne ») ou, pour mieux dire, de Y obus-canon. Elle me paraît inadmissible ici pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’on n’a pas retrouvé trace du gros obus propulseur, et parce que le tir serait beaucoup moins précis ou du moins comporterait des écarts bien plus considérables que ceux qui ont été observés entre les points de chute des coups successifs. Ce qui rendrait ces écarts très considérables, c’est que le projectile complet, comme tous les projectiles allongés, subit des mouvemens d’oscillation assez amples et fréquens sur l’axe de la trajectoire, et que lâchant le projectile secondaire à un instant où son inclinaison sui cot axe est forcément très variable, il devrait s’ensuivre une dispersion considérable des points de chute.

C’est pour des motifs analogues que je ne puis admettre non plus l’hypothèse de l’obus-fusée. On sait que les fusées de nos feux d’artifice et certaines de celles aussi qui servent de signaux dans la pyrotechnie