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réalisée dans certaines pièces de marine (le 65 millimètres notamment) de calibre moyen.

Malheureusement la résistance de l’air intervient et elle bouleverse complètement cette belle simplicité des choses. Non seulement elle réduit beaucoup la portée maxima de tous les canons, mais elle la réduit inégalement suivant les vitesses initiales, suivant la forme du projectile, son calibre et son poids. Elle a une influence retardatrice d’autant plus grande que la vitesse initiale est plus faible, car cette influence fait plus que quadrupler quand cette vitesse double.

D’autre part, et j’en ai déjà expliqué ici même les raisons naguère, plus un obus à vitesse initiale donnée est lourd, plus il conserve longtemps sa vitesse dans l’air et plus sa portée est grande. La forme du projectile intervient également beaucoup pour vaincre plus ou moins la résistance de l’air. C’est pourquoi on a été amené à donner aux obus une forme cylindro-ogivale ; c’est pourquoi aussi on a amélioré la balistique du fusil en donnant à la balle actuelle de notre Lebel, balle D, la forme d’un cylindre terminé par une ogive non seulement à l’avant, mais aussi à l’arrière. Des études se poursuivent depuis longtemps chez les divers belligérans pour donner également aux obus une forme biogivale. Il était donc naturel de supposer que telle est la forme des obus tombés sur Paris : en fait, il n’en est rien et ceux-ci ont un culot parfaitement plat (sur lequel est vissée intérieurement la fusée). En revanche, des constatations faites par M. Kling, directeur du laboratoire municipal, il résulte que l’avant de ces obus est recouvert d’une coiffe en tôle très allongée dont la forme a dû être évidemment étudiée au point de vue de la résistance aérienne, et qui est si longue qu’elle double presque la longueur du projectile.

Cette coiffe recèle-t-elle dans ses flancs mystérieux quelque dispositif secret qui assurerait de son côté un meilleur glissement dans l’air ? Je ne le crois pas, parce qu’on n’en a point trouvé trace, et parce que, comme on va voir, il n’est pas besoin d’instaurer des hypothèses sans fondement pour expliquer les choses.

A ce propos d’ailleurs la presse a parlé du dispositif étudié secrètement cher nous depuis quelque temps par le Russe Chilowski. Je ne voudrais pas jouer ici les Fouquier-Tinville, mais je ne puis m’abstenir de déplorer profondément cette divulgation d’une invention dont l’ennemi ignorait évidemment l’existence et dont il ne manquera pas de tirer parti.

Le procédé Chiloswki (on peut en parler puisque la presse en a fait des descriptions que j’ai vues reproduites, depuis, dans la presse