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allemande) consiste, à l’aide d’une fusée spéciale, à créer à l’avant de l’obus une couche de gaz chauds qu’il entraîne avec lui et à travers laquelle il se déplace. L’idée théorique à première vue assez étrange qui a amené la création de ce dispositif, a effectivement et à l’étonnement de beaucoup de spécialistes, procuré des augmentations notables de portée pour un projectile et une vitesse initiale donnés. — Mais je suis convaincu que les Allemands n’ont pas employé un procédé de ce genre, parce qu’on n’en a trouvé aucune trace, et surtout parce que dans leur tir sur Paris ils n’avaient pas besoin d’atténuer la résistance de l’air, puisqu’elle était, comme nous allons voir, pratiquement inexistante sur la plus grande partie de la trajectoire.


Lorsque, il y a deux ans, les Allemands tirèrent sur Dunkerque à 38 kilomètres de distance des obus de 380, on cria d’abord à l’impossibilité. Mais les impossibilités théoriques doivent toujours, depuis Bacon, céder le pas aux possibilités pratiques. Ainsi on ne tarda pas à constater que le tir sur Dunkerque était parfaitement d’accord avec le calcul, car la balistique, comme toutes les théories, sait à l’occasion s’adapter avec une merveilleuse souplesse aux faits même imprévus. En fait, les ressources antérieures de la balistique auraient parfaitement permis de prévoir le tir sur Dunkerque ; car il avait suffi, pour le réaliser, de prendre une grosse pièce de marine et de l’installer à terre sur un affût spécial, de l’incliner sur l’horizon d’environ 45° (ce qu’évidemment on ne fait jamais dans des tirs navals). La portée ainsi réalisée s’expliquait fort bien alors et correspondait à la vitesse initiale des gros projectiles de 380 qui est supérieure à 800 mètres à la seconde.

Il avait suffi pour cela de faire du tir courbe avec une grosse pièce à grande vitesse initiale, tandis qu’antérieurement il était d’usage, pour des raisons que j’ai données ici naguère, d’utiliser les grandes vitesses initiales des canons longs pour le tir de plein fouet et les obusiers à faibles vitesses initiales pour les tirs courbes.

Autrement dit, il avait suffi de tirer avec les canons longs en les considérant comme des obusiers.

Pourquoi cela n’avait-il pas été fait antérieurement par nous, ni d’ailleurs par l’ennemi, bien que ce fût si facile ? Précisément parce qu’un tir de ce genre ne pouvait donner que des portées énormes pour lesquelles un tir précis est impossible. — Il est évident en effet