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imposent aux autorités des tâches insolubles, répandent partout le désespoir et l’abattement.

Les transports de ravitaillement qui, depuis quatre ans, n’étaient plus qu’un mince filet coulant à peine, s’arrêtent complètement. Dans les rues, on voit des hommes tourner subitement sur eux-mêmes et s’abattre tués par la faim. Il n’y a plus de charbon, par conséquent plus de lumière et plus de tramways... L’industrie congédie ses ouvriers... Ceux qui fabriquent des munitions se trouvent dans le dénûment le plus complet...

Des centaines de milliers de personnes meurent et une sorte de folie s’empare des survivants. Qui sait combien de temps on a encore à vivre ? On va donc se venger contre ceux qui sont cause de toutes ces misères... Au lieu de la guerre là-bas hors de chez nous, c’est la guerre civile : ce sont des tranchées dans les rues, des mitrailleuses dans les maisons, des cadavres sur le pavé... On meurt, on meurt de toutes les morts : par la faim, par les balles, par les épidémies...

Pendant ce temps, le gouvernement parlemente avec l’ennemi. Comme il sait que, derrière lui, il n’a plus dans le peuple la force de résistance nécessaire, il accorde à l’ennemi tout ce qu’il demande : des territoires, l’or de la Banque d’Empire, et émet des chèques pour plusieurs milliards, signe tous les engagements qu’on lui extorque, car il lui faut la paix à tout prix. Mais cette paix ne sera pas une paix qui nourrit ! Ce sera l’enfer sur terre, ce sera quelque chose de pire que la guerre. (Vorwærts, 25 septembre.)


Pour conjurer de pareilles calamités, le Vorwærts veut que le front occidental tienne encore « quelques semaines » et que la paix soit négociée par un gouvernement démocratique.

Ce gouvernement démocratique, ce sera celui du prince Max de Bade. Mais, bien que Scheidemann en fasse partie, il n’attendra pas quelques semaines pour proposer la paix. Son premier soin sera de demander un armistice. Le peuple tout entier n’a plus qu’une pensée : la paix, n’importe laquelle, à n’importe quel prix ; la plus rapide sera la meilleure ; tout plutôt que l’invasion ; car il sent peser sur lui la menace des représailles. Dès cet instant, il a moralement capitulé.


L’EFFONDREMENT

A cette nation consternée et assoiffée de paix, un gouvernement énergique serait peut-être parvenu à rendre un peu de courage. Lorsqu’on 1917, Hindenburg et Ludendorff s’étaient