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savent à quoi s’en tenir sur les intentions de l’adversaire. Quelques-uns gémissent : quelle affreuse injustice ! ce sont Lloyd George et Clemenceau qui ont poussé Wilson à une pareille violence ! est-ce que l’Allemagne n’est pas suffisamment démocratisée ? D’autres, — de moins en moins nombreux, — prêchent la résistance, réclament un « chef, » serait-il un démocrate, « ressemblerait-il à Gambetta, au besoin à M. Clemenceau ; » ils sont d’autant plus ardents à protester que le Grand Quartier vient de faire une volte-face, et qu’après avoir organisé la « manœuvre de paix, » il combat maintenant le gouvernement et voudrait couper court au colloque qu’il a lui-même engagé avec le président Wilson. Cependant les réunions publiques en faveur d’une paix immédiate se multiplient dans les grandes villes ; à Berlin les socialistes indépendants manifestent dans les rues, et la multitude acclame l’ambassadeur des Soviets. Scheidemann et les politiciens de son clan sentent que le pouvoir va leur échapper, s’ils cessent de causer avec le président Wilson ; ils ne peuvent plus se dérober à la nécessité de conclure la paix. Puis les convulsions de l’Autriche et l’abandon d’une partie de la Flandre par les troupes allemandes augmentent encore l’angoisse de la foule. Enfin, il court des bruits alarmants sur les dispositions du Danemark et de la Hollande.

Ils prêchent dans le désert, tous les vieux sermonnaires dont, depuis trois ans, la fonction était de relever le moral de la nation.


Ne nous laissons pas abattre, s’écrie un rédacteur de la Kœlnische Zeitung. Ne pleurons pas. Si l’ennemi veut notre perte, mourons d’un cœur vaillant et le front haut. Nous avons beaucoup à faire pour rétablir le moral du peuple et réparer les fautes commises... Il faut sans cesse répéter qu’il s’agit de l’Allemagne tout entière, et que la pusillanimité de l’individu compromet le sort de ses concitoyens. En présence de l’ennemi qui nous talonne, il n’y a pas de désertion possible... Devons-nous permettre que les cris d’effroi de quelques-uns provoquent des paniques ?... La misère matérielle que nous avons supportée pendant ces longues années de guerre, est peu de chose comparée à la misère morale où nous nous trouvons maintenant. (Kœlnische Zeitung, 18 octobre.)


Cette « misère morale » se révèle dans la troisième note de l’Allemagne. Le document a été composé de bric et de broc.