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Les événements se précipitent. Andrassy demande la paix au président Wilson. Des négociations s’engagent entre l’Entente et la Turquie. La Roumanie envahit la Dobroudja. Les troupes de l’Entente arrivent au Danube. Déjà l’on peut entrevoir le jour où, traversant l’Autriche, elles menaceront la Bavière, la Saxe et la Silésie. Chaque jour apporte la nouvelle d’un désastre. Il y a toujours quelques pangermanistes pour compter sur un sursaut de l’opinion publique et vouloir, par la guerre à outrance, sauver au moins le prestige de l’Empire. Ils le disent, ils le crient ; mais, quand on sait de quelles arrière-pensées, de quelles fourberies sont capables des politiciens allemands, on se dît que c’est peut-être la certitude de ne pas être suivis qui les décide à ces gesticulations inutiles : ils n’ignorent pas que leurs compatriotes sont déterminés à tout subir, mais ils pensent qu’eux-mêmes pourront un jour tirer profit de cette glorieuse et vaine intransigeance. Les socialistes indépendants réclament la paix à tout prix, la déchéance de la dynastie et la proclamation de la république. La bourgeoisie vit dans la terreur du bolchevisme. Les socialistes qui ne veulent pas lâcher leurs portefeuilles, font chorus avec les indépendants. Un de leurs principaux journaux tient ce langage : « L’invitation à lutter jusqu’à la mort ne produira aucune impression sur les masses. Un individu peut sacrifier sa vie, les peuples ne veulent pas mourir... Il faut que la guerre finisse. Le peuple allemand a fait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver son existence et son honneur. Il n’est pas un adversaire qui osera l’humilier jusqu’à en faire un peuple d’ilotes. Avec courage et confiance dans l’énergie et les capacités du peuple, l’Allemagne vase préparera une nouvelle vie et à une nouvelle prospérité. » (Chemnitzer Volktimme, 28 octobre.) Quant au gouvernement, il donne à tous le même mot d’ordre : se résigner à la capitulation qui est inéluctable. « Il ne nous reste plus rien à faire que de serrer les dents et d’appuyer le gouvernement. » (Schwäbischer Merkur, 29 octobre.) Dans un journal du duché de Bade, le critique militaire ayant affirmé que l’Allemagne « ne se courberait jamais sous une paix imposée par la violence, » la Rédaction fait observer à ce trop bouillant écrivain : « Ceux qui n’assument pas la responsabilité du pouvoir n’ont ni le droit de pousser à la résistance, ni celui de nous exhorter à céder. » (Neue Badische Landeszeitung, 1er novembre.)