Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bals publics réclamaient à grands cris la réouverture de leurs salles, fermées depuis le commencement de la guerre.

Ce fut sur cette nation affamée, affaiblie, démoralisée, incapable de maîtriser ses nerfs que fondit la défaite. Hors d’état d’en soutenir le choc, elle s’écroula.


Un écrivain admirablement informé des choses allemandes, a intitulé un de ses ouvrages : Pas d’illusion sur l’Allemagne. Retenons ce conseil. Pas d’illusion sur l’Allemagne, même quand elle signe la plus honteuse des capitulations qu’un peuple ait jamais subies. En retraçant le tableau de l’opinion pendant ces quatre années de guerre, nous avons montré que si, selon les vicissitudes de la bataille, elle a pu varier sur l’opportunité de la paix, jamais cette opinion n’a désavoué ses premiers enthousiasmes, renié ses premières convoitises. « Jamais les partisans d’une « paix de conciliation » n’ont renoncé au rêve d’ « une plus grande Allemagne. » En 1917, ils feignirent de modérer leurs appétits ; mais ils redevinrent annexionnistes en mars 1918, quand ils crurent l’Entente écrasée. Ils le redeviendraient encore, s’ils se trouvaient en état de se jeter sur leurs voisins. Ne restât-il au monde qu’un seul Allemand, il serait pangermaniste. C’est afin de se préparer à la prochaine guerre que l’Allemagne recourt au stratagème de la « démocratisation, » pousse son Empereur hors de l’Empire et accepte, les yeux fermés, les conditions les plus avilissantes. La paix qu’on lui imposera ne sera jamais ni trop dure, ni trop lourde. Toutes les rigueurs sont justes, tous les scrupules absurdes devant tant de mauvaise foi unie à tant de lâcheté.


ANDRE HALLAYS.