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son pays : « Les propriétaires reçoivent 8 millions de livres par an en guise de droits régaliens. Pourquoi ? Ils n’ont pas déposé le charbon dans la terre. Ce n’est pas eux qui ont planté ces grandes roches granitiques dans le Pays de Galles. Qui a posé les fondements des montagnes ? Est-ce le propriétaire ? » Bien plus, Lloyd George pourra hasarder, dans l’ordre économique, les projets les plus hardis, les plus contestables. Mais qui ne sent l’accent religieux de ces révoltes, l’inspiration fraternelle de ces réformes ? Ce que cet habitué des prêches villageois poursuivra dans la politique, c’est une justice conforme aux desseins de Dieu corrompus par les hommes. Il revendique beaucoup moins les biens de la terre qu’une convenance spirituelle, non par doctrine, mais par tendresse de cœur. C’est pourquoi il ne transigera jamais sur les principes de sa conduite et ne reculera jamais devant ses convictions : d’avance, il leur a fait le sacrifice de lui-même et il est prêt à engager à fond, toutes les fois qu’il faudra choisir, sa destinée. Dès 1902, par une anticipation singulière, il déclarait à un ami : « Jusqu’au bout est une politique sûre. Une transaction est toujours une mauvaise affaire. Aux élections, ce ne sont pas les hommes extrêmes qui sont battus, mais ceux qui ne collent pas à leurs canons. » Il n’y a que la foi qui parle ainsi, et la plus haute, celle qui renverse tous les obstacles.


IV

On comprend que, dans de telles dispositions d’esprit, le jeune député, lorsqu’il fit son entrée à la Chambre des Communes, ait éprouvé d’abord une surprise assez désagréable. Par tous pays, les milieux parlementaires se montrent généralement indulgents aux débutants et sympathiques à ceux qui n’apportent encore que des espérances : le principal est de ne gêner personne. Mais, habitué à la simplicité de ses auditoires gallois ou au tumulte des meetings populaires, Lloyd George s’étonna, — sans doute s’intimida, — de cette assemblée bourgeoise et compassée. Il commença par un accès de nostalgie et de découragement. Peut-être allait-il pour jamais renoncer à la politique et trahir son destin sans l’intervention de son génie tutélaire. Une lettre de son oncle lui rappela de quels espoirs, aujourd’hui réalisés, il était le dépositaire ; allait-il,