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lesquels il faisait figurer les projets qui lui tenaient à cœur, l’assurance des travailleurs contre le chômage et les pensions de retraite pour la vieillesse. Ses nécessités établies, restait à trouver les ressources équivalentes. Son programme était vaste, allant de l’agriculture, qu’il voulait restaurer, aux chemins de fer, qu’il proposait de réorganiser. Mais il était surtout convaincu que l’État, pour se procurer de l’argent, doit le chercher où il est. De là les nouvelles taxations qui devaient provoquer tant de résistance. Il frappait les successions et les revenus non gagnés. Il les frappait lourdement et s’en excusait. Il s’en excusait avec humour et passion, rassemblant dans un sourire toutes les énergies de son âme et résumant dans une image tout son idéal. « Jamais, disait-il, un chancelier de l’Echiquier n’eût osé demander de pareilles taxations en temps de paix. Mais ceci est un budget de guerre. Nous faisons la guerre à la pauvreté et à l’humaine dégradation qui la suit. Nous voulons défendre le peuple de ce pays contre la misère, comme jadis on l’a défendu contre les loups qui infestaient nos forêts. » Fort de sa conviction et de l’appui du peuple entier qu’il sentait derrière lui, M. Lloyd George laissa à la Chambre des Communes la plus large liberté de discussion. Cette discussion dura huit mois et provoqua cinq cent cinquante votes par division. Mais la partie n’était pas gagnée : restait à emporter le vote de la Chambre haute. Les Lords, à cette occasion, tentèrent d’en finir avec l’homme des chaumières : ils rejetèrent le budget. C’était la lutte engagée à fond : M. Lloyd George s’y employa tout entier, selon son tempérament et sa méthode, sans ménagements et sans hésitation. En vain, après un appel au pays en janvier 1910, les Lords se décidèrent-ils à céder. Il était trop tard. Sous l’impulsion du ministre victorieux, la Chambre, des Communes votait une série de résolutions qui brisait la puissance des Lords.

À ceux qui avaient cru l’injurier en le traitant de Gallois, M. Lloyd George pouvait répondre, en une péroraison véhémente : « J’ai du sang celtique dans les veines. Il y a plus de sang celtique dans les veines de l’Anglais de partout qu’on n’est disposé à l’admettre et si vous tiriez toutes les gouttes de sang celtique de ses veines, l’Anglais serait assez anémique. Le Celte a l’amour irrésistible de la liberté. Il peut être foulé aux pieds et il l’a été. Il peut être opprimé et Dieu sait s’il l’a été. Mais vous