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de papier se trouvait démolie. « C’était tout comme si on avait lancé un violent coup de pied dans une fourmilière. » Epouvante et consternation sur tous les marchés du monde, dans toutes les bourses ! Dès lors, la tâche immédiate à laquelle devait se consacrer le chancelier de l’Echiquier, ce n’était pas de sauver les banques et les capitalistes, comme on a quelquefois tenté de le dire, mais le crédit même de la Grande-Bretagne, et avec celui-là, celui de tous les belligérants : heures si lointaines déjà qu’elles semblent presque d’une autre époque, d’une autre guerre ! Ne les oublions pas, en vérité ! Le temps faisait défaut, les échanges étaient enrayés, les affaires paralysées. L’Angleterre se trouvait aussi complètement isolée que si ses rivages eussent été bloqués par une flotte étrangère, parce que ses navires, sur la surface du globe, restaient au port. Péril immense : le moratorium, les facilités accordées aux banques, l’escompte des traites, l’hypothèque hardiment prise sur le crédit de l’Empire, la restauration de la Bourse, autant de mesures qui, en évitant une catastrophe nationale, rendaient possibles, avec la reprise de la confiance, l’immense travail et l’organisation industrielle qui allaient décider de la guerre.

Cette tâche accomplie, M. Lloyd George, des Finances, passe aux Munitions, car la grande industrie anglaise n’était pas mieux appropriée à la guerre que son système fiduciaire.

Sans doute, la Grande-Bretagne n’eut pas à déplorer comme nous, dès les premiers jours de la guerre, l’occupation, non seulement de son territoire, mais de la partie de son territoire la plus riche en matières premières et en outillage. Elle n’eut pas à supporter non plus, pour la main-d’œuvre, le brusque et terrible à-coup de la mobilisation. Mais, d’autre part, elle ne pouvait escompter au même titre un enthousiasme immédiat et une volonté unanime de résistance à l’agresseur. Plus favorisée matériellement, elle l’était moins moralement. Surtout, l’organisation industrielle de la guerre devait s’y heurter à des difficultés particulières, d’ordre proprement britannique.

Dans un discours prononcé à Manchester le 3 juin 1915, M. Lloyd George, au cours d’une tournée faite dans le Lancashire pour en organiser les ressources industrielles, adressait aux ateliers un véhément appel. Toute l’importance de l’usine s’était révélée, mais les travailleurs se doutaient-ils de cette importance ? Plus éloignés de la guerre que les nôtres, les