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bien compris des travailleurs serait de rester dans les champs, au lieu d’aller chercher à la ville un simulacre de salaires plus forts et des plaisirs factices, largement compensés par un accroissement des charges, par une vie moins saine, comprimé e et sordide. Une prédication dans ce sens pourrait être demandée aux instituteurs, qui ont plutôt d’habitude une influence inverse [1]. Mais, plus que par des sermons trop idéalistes, on retiendra les cultivateurs aux champs par des avantages matériels analogues à ceux qui leur font aimer la ville ou l’industrie : par une amélioration de leurs habitations, souvent si misérables ; peut-être aussi, mais avec prudence, par la création de moyens de transport, automobiles ou tramways, rendant la ville plus voisine et ses distractions plus accessibles aux jours de repos ou d’oisiveté forcée. Il serait utile également qu’on ne fût pas toujours disposé en haut lieu à sacrifier les ruraux isolés et sans cohésion pour essayer de satisfaire les ouvriers des villes groupés en syndicats agissants et bruyants.

De même, l’ensemble de la nation serait intéressé à voir diminuer le nombre des fonctionnaires urbains, en augmentant leur travail et leurs émoluments.

Plus généralement, on peut subdiviser la main-d’œuvre en trois catégories principales : main-d’œuvre supérieure, dans laquelle nous englobons l’état-major dirigeant, les ingénieurs, chimistes, contremaîtres, etc. ; main-d’œuvre exercée et spécialisée ; enfin, main-d’œuvre commune. La somme totale des Français étant insuffisante pour les trois, il y a lieu de faire monter le plus possible le personnel dont nous disposons vers un degré supérieur de l’échelle, où les qualités nationales seront utilisées sous une forme plus fructueuse, en le remplaçant à la base par de la main-d’œuvre étrangère, exotique, ou, autant qu’on le pourra, par des machines. Cela revient à développer l’apprentissage et l’instruction technique, à multiplier les écoles pratiques destinées à nous fournir tout ce personnel de mécaniciens, d’électriciens, de chimistes, ou simplement de professionnels intelligents, exercés et adroits que nous avons bénéfice a recruter sur notre sol ou que nous ne pouvons demander ailleurs.

  1. Voyez dans la Revue des 1er juillet 1912 et 15 janvier 1914 La Vocation, paysanne et l’Ecole, — La Culture morale à l’École du village, par M. le docteur Emmanuel Labat.