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hauts salaires, qui aideront à traverser la phase critique.

En moyenne, la main-d’œuvre féminine a donné de la satisfaction, surtout au début. Les femmes apportent souvent plus d’ardeur au travail et d’âpreté au gain que les hommes. Elles s’adaptent aisément aux tâches qui exigent du soin, de l’attention, de la patience, de l’ingéniosité : par exemple, en temps de guerre, les ateliers de pyrotechnie, les fusées, le chargement des obus, les vérifications à la presse hydraulique, l’examen des billes de roulement, etc. Leur amour-propre est facilement mis en jeu et, comme il faut en général les dresser à un travail qu’elles ignorent totalement, on a, avec elles, une occasion excellente d’appliquer le Taylorisme en leur traçant un programme minutieux de ce qu’elles auront à faire. Enfin, ce qui est plus imprévu, elles se sont révélées beaucoup plus susceptibles de vigueur musculaire qu’on ne l’aurait cru. On les a vues, bien qu’en théorie elles ne doivent pas porter plus de vingt kilogrammes, soulever des poids très supérieurs à ce chiffre, tels que des rouleaux de papier dans les papeteries, des bagages dans les gares, manœuvrer des obus de 155, etc. Les métallurgistes ont même pu les employer pour des trains de laminoirs à cornières, en réduisant leur effort musculaire par des chemins roulants bien appropriés.

Une observation générale tend, en effet, à faciliter le remplacement de la main-d’œuvre vigoureuse par des individus plus débiles, tels que des femmes : c’est le progrès du machinisme ; et l’éducation préalable, qui manque d’ordinaire aux femmes, devient, d’autre part, moins nécessaire pour beaucoup d’opérations par suite de la spécialisation, et du travail en série. Un travail très divisé, comme celui qu’on rencontre aujourd’hui dans de nombreux ateliers, permet une formation rapide, puisque chaque ouvrier a seulement à connaître un petit nombre de manœuvres. L’organisation scientifique suivant les préceptes de Taylor amène à déterminer avec une grande rigueur un rythme favorable .au travail et à le définir par une instruction détaillée que l’ouvrier peut se borner à suivre. C’est ainsi que les tourneurs dirigeaient autrefois leur outil perpendiculairement à l’axe de l’obus. Pour réaliser la précision nécessaire au centième de millimètre, il fallait dix ans de pratique. On s’est rendu compte scientifiquement qu’il valait mieux diriger l’outil parallèlement à l’axe et cette simple