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nous et l’on doit seulement craindre que cette ressource ne soit amenée à tarir. L’Italie fournit une émigration, qui apparaît considérable sur les tableaux statistiques, mais qui, en grande partie, est déjà et tend à devenir de plus en plus temporaire. Certains Italiens se déplacent avec une telle facilité qu’ils font deux fois en une année la traversée de l’Argentine et figurent ainsi deux fois dans le compte. On sait quel développement agricole et industriel a pris la péninsule depuis un quart de siècle et combien elle s’est enrichie. Dans ces conditions, l’Italien émigré surtout momentanément pour amasser un pécule qu’il renvoie dans son village. Depuis 1901, le chiffre annuel des émigrants italiens a varié de 500 000 à 873 000 : ce maximum ayant été atteint, en 1913, après des fluctuations diverses (534 000 seulement en 1911). L’émigration permanente ne forme guère que 40 pour 100 de ce total. En principe, les Italiens du Sud se dirigent de préférence vers les pays agricoles de l’Amérique ; les Italiens du Nord (Piémont, Lombardie, Vénétie, Emilie et Toscane) vont, au moins pour les deux tiers, en Europe ou dans l’Afrique du Nord. Si l’on examine, par exemple, les chiffres de 1913, on trouve 90 000 hommes en Suisse ; 83 000 en France ; 82 000 en Autriche-Hongrie ; puis, en quittant l’Europe, 409 000 dans l’Amérique du Nord et 144 000 dans l’Amérique du Sud (Brésil, Argentine).

Dans la mesure où nous pourrons les obtenir, les ouvriers italiens sont parmi ceux que nous pouvons le plus désirer. On rencontre parmi eux beaucoup de ruraux travailleurs et sobres, qui offrent, avec les Français, des analogies de race, de climat, d’habitudes et, dans une certaine mesure, de langage, qui nous sont aisément assimilables et dont l’assimilation ne saurait nous inquiéter. J’ai déjà rappelé les services qu’ils nous ont rendus à Briey. Il serait donc à souhaiter que des accords diplomatiques, appuyés sur une propagande morale, vinssent détourner de notre côté une partie des émigrations qui se faisaient vers les Etats centraux et qui étaient entraînées dans ce sens par une puissante organisation allemande. C’est un des chapitres de l’émancipation prévue et désirée, par laquelle l’Italie s’efforcera sans doute d’échapper à la mainmise allemande qui pesait sur elle de toutes parts. Sauf ce détournement possible de courant, on doit s’attendre à voir le courant