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lui-même diminuer dans son ensemble. Le gouvernement italien s’efforce tout naturellement de se réserver la majeure partie de sa main-d’œuvre nationale et il a pris, contre l’émigration, le 2 mai 1915, un décret sévère. Cependant il semble disposé à tolérer une émigration momentanée, qui l’enrichit, à la condition toutefois d’exercer, soit par son commissariat de l’Émigration, soit par ses inspecteurs des ports, une protection efficace sur les Italiens à l’étranger. A cet égard, il aurait toutes satisfactions en France, puisque l’ouvrier étranger doit, de par nos projets de loi mêmes, être traité chez nous sur le même pied que l’ouvrier français et payé un salaire équivalent.

Si l’Italie nous fait défaut, l’Espagne peut nous fournir des ouvriers d’un mérite analogue. C’est, malgré la faible densité de la population, un pays d’émigration importante, qui, chaque année, envoie au dehors 100 à 150 000 individus, dont un quart de femmes, auxquels il faut ajouter de 60 à 80 000 Portugais. Actuellement, il reste à peine 4 pour 100 de ces émigrants en Europe ; mais un mouvement saisonnier tend à se développer dans le sens de la France et pourrait être facilement accentué par un accord entre les deux gouvernements. Depuis la guerre, on a établi, dans la zone frontière, des postes d’immigration qui, nous l’avons dit, ont vu en deux ans passer environ 200 000 hommes. Ce sont de bons ouvriers robustes et sobres, au moins pour moitié des agriculteurs, qui, surtout dans notre Midi, se prêtent aisément à nos mœurs françaises. Ils peuvent également fournir des mineurs experts. Sans doute l’Espagne, qui s’est beaucoup enrichie par sa neutralité pendant la guerre, va s’occuper de mettre mieux en valeur son propre sol et cherchera à retenir ses travailleurs. Mais il se passera quelque temps avant que l’amélioration des finances publiques se traduise par un accroissement de bien-être dans la population. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer [1], les deux pays vont avoir un égal intérêt à pratiquer des échanges de main-d’œuvre, qui suppléeraient, des deux côtés, à des lacunes différentes : la France fournissant à l’Espagne les contre-maîtres et ouvriers spécialisés et recevant, en échange, de la main-d’œuvre inférieure.

Je laisse de côté la Belgique, qui nous fournissait autrefois

  1. Voyez la Revue du 1er août 1917.