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L’arrivée du cortège, le passage des autos dans les rues enthousiastes, sous une pluie de fleurs (les tardifs, les chevelus chrysanthèmes de l’automne), les discours à l’Hôtel de Ville, dans la salle décorée des peintures de Leys, le défilé des troupes, tous ces tableaux ne diffèrent que par quelques traits de ce qu’on a vu ailleurs ; ce sont les mêmes scènes dans un autre décor. Décor illustre d’ailleurs et d’une magnificence célèbre, le même où Dürer, à une entrée du jeune Charles-Quint, a vu des chars païens chargés de jeunes filles demi-nues. Nos fêtes sont bien pauvres comparées à celles de ce temps-là ; l’imagination plastique ne gagne pas au progrès de la démocratie.

À la fin de la journée, visite à Notre-Dame. Visite inopinée qui, je crois, n’était pas au programme. Le cardinal est là. Le grand archevêque de Malines a voulu saluer les souverains dans la première ville délivrée de son diocèse. Rien de plus simple, de plus bref et de plus beau.

Comme fond de tableau, les profondeurs, les vastes nefs de la cathédrale envahie par les ombres, le rayonnement diffus du chœur dans le lointain, la foule pressée le long des piliers et dans les bas-côtés : une double file de clergé, de dignitaires en camail, en surplis, d’acolytes portant des cierges ou des croix. Au premier plan, trois personnages : un grand jeune homme blond, la tête découverte, en petite tenue de général, une jeune femme toute frêle et gracile à sa droite, dont on ne distingue de ma place que la blancheur d’une toque de cygne, tous les deux vus de dos, en silhouette douce, dans la pénombre, — et en face d’eux, en pleine lumière, une mitre, une chape d’or, une crosse, la spirituelle douceur d’un visage de prélat, le geste bienveillant d’un gant de pourpre qui bénit.

Que dit-il ? Peu importent les paroles : paroles charmantes, on peut le croire, de la plus délicate onction sacerdotale, où respire toute la grâce émue d’un Fénelon. Un compliment au roi vainqueur, une allusion discrète à la Reine, dont l’Église célèbre en ce jour la fête patronymique, la fête de cette princesse dont le bon Dieu, dans le besoin, changeait les pains en roses. C’est tout, mais que faut-il de plus ? Quoi de plus complet et de plus définitif ? Cette scène, en un pareil lieu et un tel moment : ce petit groupe de trois personnes, le Roi, la Reine, le pontife d’or qui les accueille, cette simplicité militaire, ces pompes ecclésiastiques, cet héritage des siècles, ces costumes