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REVUE LITTÉRAIRE

COMMENT L’ALSACE S’EST DONNÉE À LA FRANCE AU XVIIe SIÈCLE [1]

Le 1er septembre 1872, le grand Fustel de Coulanges étudiait, ici même, les Origines de l’Allemagne et de l’empire germanique, dont Jules Zeller venait de publier le premier volume ; et ce lui était l’occasion d’examiner « la manière d’écrire l’histoire en Fiance et en Allemagne depuis cinquante ans. » Il notait chez nous une étrange manie de glorifier l’Allemagne. Cet engouement, disait-il, date de 1815 : nos libéraux, en haine de l’Empire, célébraient l’ennemie acharnée de l’Empereur, l’Allemagne. Les historiens allemands ne leur rendaient pas du tout la politesse : ils glorifiaient, eux aussi, l’Allemagne ; et ils insultaient la France.

Or, l’Allemagne avait déjà cette renommée de science parfaite, qui est l’une de ses coquetteries ou plutôt l’une de ses manigances les plus adroites. L’activité allemande, et même l’activité des érudits, est tout entière au service de la cupidité allemande. Les érudits allemands sont les auxiliaires du pangermanisme. Fustel de Coulanges l’a très bien vu : « L’Allemand, dit-il, est en toutes choses un homme pratique ; il veut que son érudition serve à quelque chose, qu’elle ait un but, qu’elle porte coup. Tout au moins faut-il qu’elle marche de concert avec les ambitions nationales, avec les convoitises ou les haines du peuple allemand. Si le peuple allemand convoite l’Alsace et la Lorraine, il faut que la science allemande, vingt ans d’avance, mette la main sur ces deux provinces. Avant

  1. Les Anciennes Républiques alsaciennes, par M. Louis Batiffol ; (Flammarion éditeur).