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qu’on ne s’empare de la Hollande, l’histoire démontre déjà que les Hollandais sont des Allemands. Elle prouvera aussi bien que la Lombardie, comme son nom l’indique, est une terre allemande et que Rome est la capitale naturelle de l’Empire germanique. » Pour réussir mieux dans leur imposture, les érudits allemands se sont camouflés : leur mine rude et refrognée les a fait croire indifférents, impassibles et impartiaux ; là-dessous, ils mentaient facilement.

Fustel de Coulanges louait Jules Zeller d’avoir dit la vérité. L’histoire de la race allemande depuis les origines jusqu’à l’an 800 de notre ère, un mot la résume, l’invasion, la perpétuelle invasion, toujours malfaisante, qui n’a pour résultat que des ruines et qui n’apporte au monde que désordre et sauvagerie. Ce jugement n’est pas nouveau. Ce jugement, conforme aux documents historiques, c’est l’ancienne opinion des peuples civilisés sur l’Allemagne. Jules Zeller n’a eu, pour le retrouver, qu’à délivrer son esprit de l’erreur patiemment organisée par les historiens allemands et adoptée avec une fâcheuse complaisance par tant d’historiens français. Et Jules Zeller avait écrit son premier tome dix ans avant la guerre franco-allemande. Il ajouta seulement une préface qui, selon Fustel de Coulanges, dépare un livre d’histoire : « Elle sent l’ennemi, et nous ne voudrions pas qu’un historien fût un ennemi. Elle est faite pour la guerre, et nous ne croyons pas en France que l’histoire doive être une œuvre de guerre. » Quelle est donc l’idée française de l’histoire ? Fustel de Coulanges l’a définie en ces termes : « Nous voudrions la voir planer dans cette région sereine où il n’y a ni passions, ni rancunes, ni désirs de vengeance. Nous lui demandons ce charme d’impartialité parfaite qui est la chasteté de l’histoire. Nous continuons à professer, en dépit des Allemands, que l’érudition n’a pas de patrie. Nous aimerions qu’on ne pût pas la soupçonner de partager nos tristes ressentiments et qu’elle ne se pliât pas plus à servir nos légitimes regrets qu’à servir les ambitions des autres. L’histoire que nous aimons, c’est cette vraie science française d’autrefois, cette érudition si calme, si simple, si haute, de nos bénédictins, de notre Académie des inscriptions, des Beaufort, des Fréret, de tant d’autres, illustres ou anonymes, qui enseignèrent à l’Europe ce que c’est que la science historique, et qui semèrent, pour ainsi dire, toute l’érudition d’aujourd’hui. L’histoire en ce temps-là ne connaissait ni les haines de parti, ni les haines de race ; elle ne cherchait que le vrai, ne louait que le beau, ne haïssait que la guerre et la convoitise. Elle ne servait aucune cause ! elle n’avait pas de patrie ; n’enseignant pas