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l’invasion, elle n’enseignait pas non plus la revanche… » Ces lignes, je le redis, sont du 1er septembre 1872, écrites par un fervent patriote au lendemain de la défaite, avant même que fût achevée cette fausse libération du territoire qui ne libérait pas l’Alsace et la Lorraine Fus tel de Coulanges ne se ravise pas, il ajoute seulement cette remarque de pathétique opportunité : « Mais nous vivons aujourd’hui dans une époque de guerre. Il est presque impossible que la science conserve sa sérénité d’autrefois. Tout est lutte autour de nous et contre nous ; il est inévitable que l’érudition elle-même s’arme du bouclier et de l’épée. Voilà cinquante ans que la France est attaquée et harcelée par la troupe des érudits. Peut-on la blâmer de songer un peu à parer les coups ? Il est bien légitime que nos historiens répondent enfin à ces incessantes agressions, confondent les mensonges, arrêtent les ambitions et défendent, s’il en est temps encore, contre le flot d’une invasion d’un nouveau genre les frontières de notre conscience nationale et les abords de notre patriotisme. » Quel admirable langage, où la douleur est sensible et maîtrisée, non supprimée, par la pensée à la fois indulgente et souveraine ! La pensée et la douleur vont ensemble, appuyées l’une à l’autre, l’une et l’autre soumises à une même vérité.

Si les historiens allemands sont obligés de mentir, pour conquérir à une feintise du droit les provinces et les pays sur lesquels la race de proie a jeté son dévolu, Dieu merci, les nôtres n’ont pas ce travail à faire : ils ne le feraient pas. Mais voici le témoignage extrêmement simple et beau des volontés et des sentiments qui animent l’érudition française, un petit volume de M. Louis Batiffol, les Anciennes Républiques alsaciennes. Ce petit volume a paru il y a peu de mois, avant la victoire ; et l’auteur a dû l’écrire pendant les jours de la pire angoisse. Vous n’y trouverez pas un mot qui le date de ces jours-là. Vous n’y trouverez que le souci continuel de la vérité. L’auteur n’avance rien qu’il ne prouve. Et il ne dissimule rien, non pas même ce que les malveillants interpréteraient à l’encontre de sa thèse. Il a une thèse. Il l’affiche, sur la couverture de son livre « L’Alsace, demeurée Celte à travers les âges, n’a subi jadis l’ancien Empire germanique qu’en sauvegardant son indépendance dans des républiques autonomes et s’est retournée vers la France, au XVIIe siècle, pour se mettre sous son protectorat, lorsque l’Empire voulut détruire ses libertés. » Voilà ce que l’auteur entend démontrer, ce qu’il démontre par les faits, et les faits par les documents. Aucune éloquence empruntée : mais bien l’éloquence de cette vérité qui