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Au bout du compte, l’Alsace reste à la Germanie : elle est conquise, elle est soumise, elle a protesté, elle a montré que ses sympathies étaient du côté de la France.

Déchirée entre la Germanie et la France, entre la Germanie qu’elle n’aimait pas et la France qu’elle aimait, l’Alsace comprit la nécessité qui s’imposait à elle d’organiser elle-même sa vie et, de son mieux, sa tranquillité. Les seigneurs féodaux venus d’Allemagne la mirent à de nouvelles épreuves. Au XIIIe siècle enfin, le peuple d’Alsace, rude et bien résolu, constitua ses républiques. Les républiques éliminent peu à peu les représentants de l’Empereur. Si l’Empereur est besogneux, comme il arrive, on lui rachète la charge de son magistrat. En 1407, par exemple, un Ruprecht de Bavière, qui manquait d’argent, cède pour mille florins à la ville de Colmar la magistrature y exercée par un de ses agents. Quelques années plus tard, Obernai paya mille trois cents florins à l’empereur Sigismond le même office. Ces véritables républiques, M. Batiffol les compare aux cités antiques : il y montre la même jalousie farouche de leur indépendance ; il y montre aussi la querelle de l’aristocratie et du peuple, querelle longue et opiniâtre qui aboutit à l’éviction des seigneurs. Lesdits seigneurs avaient, le plus souvent, des torts que ne leur pardonnaient pas les bourgeois et le populaire : et surtout ils avaient besoin, très souvent, d’appuyer leur autorité chancelante sur l’autorité impériale. En somme, la lutte contre les seigneurs, dans les villes d’Alsace, eut le double caractère de ces deux revendications : liberté de classe et liberté du pays. Les républiques alsaciennes, à la fin du moyen âge et au cours de la Renaissance, ont maintenu l’autonomie alsacienne, contre qui ? mais contre ce qui la menaçait : contre l’Empire et contre la Germanie. Tant que l’Alsace fut reliée à la Germanie, elle a tout fait pour se dégager, pour aller à la France ; et, comme elle n’y parvenait pas, elle a tout fait pour se préserver au moins de la Germanie. On le voit, Mazarin ne mentait pas lorsqu’il écrivait aux Alsaciens, le 29 août 1643 : « L’inclination que vous avez eue de tout temps pour la France... »

Le traité de Rueil, qui avait confié l’Alsace à la protection de la France, n’était valable que pour le temps de la guerre et jusqu’à la conclusion de la paix générale. Les traités de Westphalie ne résolurent pas nettement la question d’Alsace ; et Louis XIV a conquis, l’Alsace, on n’en doute pas. Le 28 novembre 1681, le baron de Monclar avec trente-cinq mille hommes se présenta devant Strasbourg. Louvois était à une lieue de là. Et la ville était priée d’accueillir