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« Sa Majesté veut que la liberté de conscience soit entière dans Strasbourg. » Le Roi établit dans Strasbourg un collège de jésuites et un couvent de Visitandines ; il rendit au culte catholique et à l’évêque Egon de Furstenberg la cathédrale : mais le culte luthérien fut célébré dans les autres églises. Le Roi, comme il l’avait promis, ne modifia pas les institutions de la ville : tout ce qu’il fit ne fut que d’installer auprès du Magistrat un préteur royal : et, pour préteur royal, il choisit un Strasbourgeois, le jurisconsulte et philologue Ulrich Obrecht. Le Roi eut grand soin de ménager la province, de lui procurer la paix, la sécurité, le calme, de ne point l’offenser, de la rendre prospère et heureuse. Toute son administration fut, en vérité, une merveille d’intelligence et de tact : les historiens allemands ne le disent pas. A force de ne pas le dire, ils l’oublient ; de sorte qu’ils ne comprennent pas comment l’Alsace aima la France et non l’Allemagne. Faute de comprendre, ils accusent l’ingratitude alsacienne et s’indignent contre l’infâme trahison de Strasbourg. Ils ne sont pas de très bonne foi ; mais, en outre, ils sont bêtes : ce n’est pas leur excuse.

En 1787, un Allemand du nom de Heinrich Storch, visitant l’Alsace, était surpris et indigné de la trouver si française. Il l’accusait de « gallomanie ; » et il écrivait : « J’avoue qu’à cent pas de la frontière allemande je n’aurais jamais cru possible autant de folie. » Un peu plus tard, à l’Assemblée nationale, les députés de Strasbourg se déclarent « vieux patriotes ; » ils appellent la France « la patrie » et l’Alsace « une des filles les plus jeunes de la France. » En 1848, à Strasbourg, on célébra le deuxième centenaire des traités de Westphalie ; et le maire prononça les paroles que voici : « Nous n’avons plus besoin de faire une profession solennelle et publique de notre inviolable dévouement à la France : la France ne doute pas de nous. Mais, si l’Allemagne se berce encore d’illusions chimériques, si elle croit trouver dans la persistance de la langue allemande au sein de nos campagnes et de nos cités un signe de sympathie irrésistible et d’attraction vers elle, qu’elle se détrompe ! L’Alsace est aussi française que la Bretagne, la Flandre et le pays des Basques : elle veut le rester. » Et dire que naguère l’Allemagne osa proposer une « consultation » de l’Alsace ! et dire que, chez nous, une poignée d’hurluberlus ou pis encore ne refusaient pas ce doute et cette offense à la fidélité alsacienne ! Toute l’histoire de l’Alsace est un perpétuel plébiscite en faveur de la France.


ANDRE BEAUNIER.