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RÉCEPTIONS ACADÉMIQUES

LE MARÉCHAL JOFFRE
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Le 19 décembre, l’Académie, en recevant le vainqueur de la Marne, a célébré la victoire définitive de la France. Deux chefs d’État, des ambassadeurs, des ministres, la foule des hommes célèbres et des gens connus, formaient l’assemblée devant laquelle un grand soldat et un grand poète ont rendu témoignage, le soldat par des mots simples et éternels, le poète avec une magnificence éloquente. Réunion vraiment solennelle, où les voix parlaient pour l’histoire, et où la postérité écoutait à la porte.

On n’avait pas vu de longtemps cette affluence. Bien avant midi, de longs serpents de spectateurs agglomérés font la queue devant les portes. Dans la cour même de l’Institut, les invités privilégiés qui ont des billets gris pour le centre, forment une redoutable colonne par quatre, tassée, profonde et noire, en formation d’assaut contre les battants fermés, avec des sergents de ville en serre-file. Les cataractes du ciel déversent un tir de contre-préparation sur cette place d’armes. Personne ne bouge. Les parapluies ruisselants laissent couler l’eau comme par des gouttières. A midi, la porte s’entr’ouvre. Les assaillants entrent par petits paquets. On s’écrase un peu. On crie : « Ouvrez la porte ! » Enfin on pénètre dans les sapes des couloirs et l’on arrive dans l’amphithéâtre. Il est rempli d’une rumeur bourdonnante. Les tribunes regorgent. On s’y querellera presque. A l’Académie ! Les banquettes, les tabourets d’atelier qu’on ajoute, suffisent à peine. Presque toutes les femmes sont en toilette sombre, mais beaucoup d’hommes portent l’uniforme bleu pâle. Dans le discours prophétique où il avait annoncé l’entrée du général