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destruction « de cette basilique de Reims où fut sacré Klodovig. » Ils en contestent l’authenticité[1].

On a rappelé cette phrase de Henri Heine, prévision, si l’on veut, plutôt que menace, dans son livre sur l’Allemagne, en 1834 :

« La civilisation chrétienne disparaîtra d’Allemagne et la férocité des anciens Germains débordera de nouveau… Alors, — et ce jour, hélas ! viendra, — les vieilles divinités guerrières se lèveront de leurs tombeaux fabuleux ; elles essuieront de leurs yeux la poussière des siècles. Thor se dressera avec son marteau gigantesque et détruira les cathédrales gothiques. »

Ils ont prétendu que cette citation ne porte pas parce qu’il s’agissait de leurs cathédrales et non des nôtres.

Qu’ils n’aient pas incendié la cathédrale de Reims en 1814, faut-il leur en savoir gré ? N’est-ce pas plutôt que les Russes et les Anglais les en ont empêchés ? N’ont-ils pas bombardé, en 1870, la cathédrale de Strasbourg, comme Frédéric -II, en 1757, avait bombardé celle de Prague ?

N’ont-ils pas décerné au triste héros de Strasbourg, Werder, ce même titre de membre d’honneur[2] de l’Université, dont Kœnigsmark, en son temps, avait déjà été gratifié après avoir détruit le Parthénon ?

Mais, sans aller exhumer, dans la poussière des bibliothèques, ces provocations lointaines, nous avons des échos plus récents de la pensée allemande.

À la date du 5 septembre 1914, un journal de Berlin, le Berliner Tageblatt, revenait sur la même idée :


Le groupe occidental de nos armées de France a déjà dépassé la seconde ligne des forts d’arrêt, sauf Reims dont la splendeur royale, qui remonte au temps des lis blancs, ne manquera pas de crouler en poussière bientôt, sous les coups de nos obusiers de 420[3].


Il est vrai qu’à la même époque, la Gazette de Francfort donnait une autre note :

  1. Cf. Réponse allemande aux attaques françaises, par le professeur A.-J. Rosenberg, p. 107.
  2. La Gazette de Francfort, du 6 juin 1915, déclare que cette distinction n’a pas été motivée par ce fait, mais que ce fut un témoignage de reconnaissance, pour avoir préservé l’Allemagne de l’invasion.
    Il reste vrai que le crime de Strasbourg n’a pas été un obstacle.
  3. Cf. Berliner Tageblatt, du 5 septembre 1914, no 208