Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Respectons les cathédrales françaises, celle de Reims notamment qui est une des plus belles basiliques du monde. Depuis le moyen âge, elle est particulièrement chère aux Allemands, puisque le maître de Bamberg s’inspira des statues de ses portiques pour dessiner plusieurs de ses figures.

Les cathédrales de Laon, Rouen, Amiens et Beauvais sont aussi des chefs-d’œuvre de l’art gothique. Toutes ces villes sont, à cette heure, occupées par les Allemands. Nous regarderons avec vénération ces églises grandioses et nous les respecterons, comme nos pères le firent en 1871[1].


Faut-il voir là deux écoles, un double courant de l’opinion, ou bien deux états successifs, le second mouvement d’un adversaire qui se ravise : « Nous occupons ; nous sommes vainqueurs ; elles sont à nous, ces cathédrales : gardons-les. »

Mais, après leur défaite de la Marne, la déception venue, tout espoir perdu de se maintenir en Champagne, quand la proie leur échappe, furieux, ils la broyent : « Ni nous, ni personne ! »

À ce moment-là, au lendemain de la bataille, huit ou dix jours avant l’événement, les soldats prussiens en parlaient entre eux sur le Parvis ; on a vu, aux mains de plusieurs, des cartes postales représentant déjà la catastrophe : la Cathédrale en feu. Et un des grands chefs devant qui les officiers s’inclinaient très bas, y fit une allusion transparente, d’un ton qui semblait plutôt déplorer et compatir. Comme il reconduisait, jusqu’à la porte de l’hôtel, une infirmière de la Croix-Rouge[2], qui lui demandait de l’aide pour son ambulance, il lui dit, en montrant de la main la Cathédrale : « Elle est belle, n’est-ce pas… nous ne la garderons pas… »

Le vendredi 11, rue du Cloître, le bras tendu vers la Cathédrale, un capitaine fit tout haut, en allemand, cette réflexion à ses hommes : « Les Français en sont fiers ! Nous la détruirons ! »

Un autre officier, qui logeait à l’ombre même de Notre-Dame, dit, en guise d’adieu à son hôte, sur le pas de la porte, avec un geste aussi de commisération : « Superbe Cathédrale !…. Pauvre Cathédrale ! »

Deux sous-officiers ont dit, dans un café de la rue Saint-Jacques :

  1. Cf. Gazette de Francfort, du 8 septembre. Cite par Le Temps du 21 septembre.
  2. Mme Comte.