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Les barbares d’autrefois avaient du moins une excuse, leur ignorance. Les Turcs, en 1453, n’ont pas détruit Sainte-Sophie. Et, si le Parthénon n’est plus qu’une ruine, depuis 1687, ce fut l’œuvre déjà d’un reitre allemand, à la solde de Venise, Wilhelm Otto von Kœnigsmark, qui l’a bombardé.

Encore une fois, ils ne désavouent rien :


Nos troupes et nous-mêmes, écrit le général von Ditfurth, dans le Tag, de Berlin, nous ne devons d’explications à personne ; nous n’avons rien à justifier, rien à excuser. Tout ce que feront nos soldats pour faire du mal à l’ennemi, tout cela sera bien fait et tout est justifié d’avance. Nous n’avons pas du tout à nous occuper de l’opinion des autres pays, même neutres. Et si tous les monuments, tous les chefs-d’œuvre d’architecture qui sont placés entre nos canons et ceux de l’ennemi, allaient au diable, cela nous serait parfaitement égal. Le plus modeste tertre qui s’élève au-dessus du corps d’un de nos guerriers est plus vénérable que toutes les cathédrales, tous les trésors d’art du monde[1]. On nous traite de barbares, qu’importe ! Nous en rions.

Que l’on nous épargne enfin et définitivement ce bavardage oiseux ; que l’on ne nous parle plus de la Cathédrale de Reims ni des églises, des monuments qui partageront son sort. Nous ne voulons plus rien entendre. Que de Reims nous vienne la nouvelle d’une deuxième et victorieuse entrée de nos troupes ! Tout le reste nous est égal[2] !


Un autre qui n’a pas ce tempérament de fauve, de bête de proie, mais qui fait preuve d’une singulière inconscience, écrit au général Humbel :


J’étais bien loin de penser, et mes compatriotes avec moi, que la destruction de la Cathédrale de Reims serait, de la part des Français, l’objet d’une réprobation aussi unanime.

Luthérien, en réalité libre penseur, je me suis réjoui, dans ma haine du catholicisme, de la ruine des églises de France, par suite de la loi de séparation et de la persécution religieuse.

Qu’avons-nous fait, en abattant à coups de canon la cathédrale de Reims, sinon travailler dans le même sens ? Et voilà que les Français nous accusent de vandalisme !…

  1. Au lendemain de la destruction du Lusitania, qui fit 1 145 victimes, un journal de Berlin, la Post, écrivait : « Nos adversaires vont enfin comprendre que la vie d’un seul soldat allemand est plus chère à nos yeux que le Lusitania avec tous ses passagers et la cathédrale de Reims. »
  2. Cf. le Tag de Berlin, cité par l’Écho de Paris, 28 octobre.