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Je sais bien que le monument, outre son caractère religieux avait sa valeur historique et artistique, mais il me semble que ce sont là des considérations de second plan[1].


Un autre encore, qui ne cherche pas de faux-fuyant, déclare que :


Quand on a la force de créer, on a le droit de détruire. Nous la rebâtirons plus belle, leur cathédrale, sur des plans nouveaux, des plans allemands[2].


Qu’il ne faille pas donner à ces impudences plus de poids qu’elles n’en ont, c’est évident ; leur outrance même nous défendrait plutôt d’y chercher l’expression moyenne de l’opinion allemande[3]. Elles sont curieuses à noter tout de même, comme cette poésie, où l’ironie renforce encore l’impudence ; elle a été publiée par un journal de Berlin qui n’est pas des moindres[4] :


Les cloches ne sonnent plus.
Dans le dôme aux deux tours.
Finie la bénédiction » !…
Nous avons fermé, ô Reims,
Avec du plomb, ta maison d’idolâtrie !

Da schlossen mit Blei wir
Dein Gœtzenhaus, Rheims !


Un document qui pèse davantage, où se reflète sans conteste l’Ame allemande, c’est l’Appel aux nations civilisées, le manifeste des 93, adressé par les plus éminentes personnalités des Lettres, des Sciences et des Arts, aux journaux du monde

  1. Cf. Libre Parole, du 26 septembre 1914.
  2. Friedrich Gundolf, Tat und Wort in Krieg (Frankfurter Zeitung, 11 octobre 1914).
  3. On ne peut se résoudre à croire qu’à Berlin, ainsi que l’affirme le correspondant du Daily Mail, « la nouvelle de la destruction de la cathédrale de Reims a été accueillie par le public avec un grand enthousiasme. » (Cf. Le Temps du 23 septembre).
  4. Rudolf Herzog. Cf. Supplément artistique du Lokal Anzeiger, janvier 1915. — La « Réplique des catholiques d’Outre-Rhin aux attaques françaises » par le professeur Rosenberg, s’étonne que nous ayons pu chercher un écho de l’opinion allemande dans cette poésie, « œuvre d’un fanatique exalté honni de tout chrétien convaincu. » (p. 109).
    Il semble pourtant que si ce factum avait dii heurter à ce point la susceptibilité de ses lecteurs, ce journal plutôt modéré se serait bien gardé de le publier, dans un supplément de luxe, pour le jour de l’an.