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entier ; c’est encore la protestation des vingt-deux Universités[1], celles des Professeurs des Ecoles supérieures et des Chrétiens protestants d’Allemagne aux chrétiens protestants de l’étranger, où l’élite intellectuelle de la nation se solidarise avec le parti militaire.

Ils s’insurgent avec indignation contre les calomnies dont la Grande Allemagne est victime. Mais ils affirment que « l’armée allemande et le peuple allemand ne font qu’un ; » que « leur militarisme est inséparable de leur civilisation ; » qu’il n’y a pas « d’opposition entre l’esprit de la science allemande et ce qu’on nomme le militarisme prussien ; » que « l’esprit qui règne dans l’armée allemande est le même qui règne dans le peuple allemand. »

Ils ne désavouent donc rien. Ils expliquent ; et leurs explications ne sont que de piètres raisons. Elles viennent après coup. Elles varient sans cesse. Elles se contredisent.


II

Donc le 20 septembre, M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, protestait, auprès des gouvernements des États neutres, en ces termes :


Sans pouvoir invoquer l’apparence d’une nécessité militaire, et pour le seul plaisir de détruire, les troupes allemandes ont soumis la Cathédrale de Reims à un bombardement systématique et furieux !… Le gouvernement de la République a le devoir de dénoncer à l’indignation universelle cet acte révoltant de vandalisme qui, en livrant aux flammes un sanctuaire de notre Histoire, dérobe à l’humanité une parcelle incomparable de son patrimoine artistique.


Les Allemands ont beau dire, leurs allégations intéressées et embarrassées ne prévaudront pas contre les faits : ni le samedi 19 septembre, ni les jours précédents, rien ne justifiait le bombardement et l’incendie de la Cathédrale. On n’y avait jamais installé de mitrailleuses contre les avions, ni, à plus forte raison, des canons, comme a voulu le faire croire un communiqué fantastique de l’Agence Wolff. Il n’y eut jamais

  1. Cette protestation est signée par les recteurs des Universités de Tubingue, Berlin, Bonn, Breslau, Erlangen, Francfort, Fribourg, Giessen, Gœtingue, Greifswald, Halle, Heidelberg, Iéna, Kiel, Kœnigsberg, Leipzig, Marbourg, Munich, Munster, Rostock, Strasbourg et Würzbourg.