Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son voisinage, encore moins à l’intérieur, de stationnement d’hommes ou de matériel de guerre. Elle ne servait pas de poste militaire d’observation.

Nous sommes en mesure, semaine par semaine, d’entrer dans les détails. Au mois d’août, alors que les Allemands étaient encore en Belgique, on fit quelques essais de télégraphie sans fil : l’installation fut tout de suite transportée ailleurs. Au lendemain de l’accident dont fut victime le dirigeable Dupuy de Lome, au mois d’août toujours, le Parc d’aérostation tenta d’installer sur la tour Nord un projecteur, pour éviter une seconde méprise. L’appareil beaucoup trop faible ne fonctionna, — et péniblement, — qu’une nuit ou deux. On dut y renoncer. Il n’y eut d’ailleurs, même à ce moment-là, ni fusils, ni mitrailleuses, ni armes quelconques sur les tours. Les veilleurs ne disposaient que de simples pétards d’artificiers pour annoncer la rentrée de nos dirigeables ou pour donner l’alarme. Et on attacha si peu d’importance à cette expérience sans lendemain qu’on n’essaya même pas d’en effacer les traces. La façon même dont fut bâtie cette estrade, qui offusqua les Allemands, est une preuve qu’on ne songea jamais à en faire un poste d’observation.

On masque le mieux qu’on peut un poste d’observation ; le guetteur se dissimule dans son abri, comme un chasseur à l’affût. Or, là, rien n’était masqué, ni l’estrade ni les hommes. L’estrade dépassait la tour, et, sur l’estrade, les hommes émergeaient de tout le buste. C’est dire que, si l’on avait voulu utiliser, en septembre, pour faire de l’observation, cet échafaudage construit au mois d’août pour un tout autre but, il aurait fallu, de toute nécessité, en modifier la disposition. Les fils qui aboutissaient là et dont on a pu voir longtemps les débris n’étaient pas des fils de téléphone, mais les fils du projecteur pour la lumière.

Il semble bien qu’au lendemain de la réoccupation de la ville par les troupes françaises, on ait songé à faire de l’observation du haut des tours, le 14 et le 15 septembre : en fait, dans la crainte précisément de compromettre, le monument, on y renonça ; et il est rigoureusement vrai qu’à partir du mardi 15 septembre, du soir, rien, absolument rien ne pouvait fournir l’ombre même d’un prétexte au tir des batteries allemandes[1].

  1. Le rapport officiel publié, en 1915, par le ministère de la Guerre, à Berlin, sur le bombardement de la Cathédrale, « se trompe » lorsqu’il prétend que l’abbé Thinot a avoué, dans l’Illustration (n° du 10 octobre 1914), qu’il y avait un projecteur en activité, sur la Tour, dans la nuit du 13 septembre.
    M. Thinot n’a rien dit de pareil. Il fait allusion, sans qu’on puisse s’y méprendre, à cet essai du mois d’août « qui n’eut aucune suite, et, en tout cas, dit-il, bien avant l’entrée en contact avec l’ennemi. » Le Rapporteur allemand a tout simplement introduit, dans le texte de M. Thinot, cette date du 13 septembre, qui n’y figure pas. Le professeur Rosenberg, dans sa Réplique, sans plus se gêner, en a fait autant.
    Pendant l’occupation, en septembre, lorsqu’on se battait devant Reims, les Allemands n’hésitèrent pas à mettre un poste d’observation sur la Cathédrale.