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Il faut noter que si, des positions allemandes, au Nord et au Nord-Est de Reims, on peut apercevoir le chevet de la Cathédrale, le transept et une partie des bas côtes, il est matériellement impossible, où qu’on se place, depuis Brimont jusqu’à Nogent, de découvrir, même de biais, la façade qui regarde l’Ouest.

Il a donc vu la Cathédrale par derrière et il ose parler du portail !

Il sait et il proclame que « la Cathédrale n’a été touchée que par deux projectiles, l’un de 15 centimètres, l’autre de 21[1]. »

Or, il y avait justement, sur les voûtes, à cette date, un obus de 150 non éclaté : ce serait l’autre par conséquent, à lui tout seul, qui aurait causé tous les dégâts.

Il est très catégorique enfin sur la question du poste d’observation.

Ils n’en démordront pas.

Mais on a lieu de s’étonner tout de même qu’après les déclarations formelles du cardinal-archevêque de Reims, le chapitre de Cologne reprenne à son compte cet obstiné mensonge.

Dans une note de la Gazette de Cologne, communiquée à la presse des pays neutres, en déclarant, comme c’était son droit, que la Cathédrale de Cologne n’a jamais servi de poste d’observation, il ajoute :


Le dôme de Cologne, à la différence de celui de Reims, n’a rien à voir avec les opérations militaires. Il ne sert qu’au service divin. Peut-être veut-on seulement, par ces accusations sans fondement, Excuser l’utilisation effective de la Cathédrale de Reims à des fins militaires[2].

  1. Au mois de décembre, à la date de cette fameuse expertise, la Cathédrale avait reçu, non pas deux obus, mais, pour le moins, soixante-trois.
  2. Cf. Kœlnische Volkszeitung, cité par le journal suisse Der Bünd, du 22 février 1915.
    Il se peut que cette assertion ne soit pas plus fondée pour Cologne, qu’elle ne l’est pour Reims, mais il est, pour le moins, fâcheux, que le Nieuwe Courant, de Rotterdam, ait, pu répondre à ce hautain plaidoyer pro domo, en exhumant un article oublié de la Rheinische Weslphalische Zeitung, du 4 août 1914 (no 923) où il est dit, au sujet des mesures militaires prises pour la défense de Cologne, que « des mitrailleuses sont placées sur les tourelles des ponts et également dans les tours de la cathédrale, » et qu’un grand journal anglais ait pu recevoir et publier cette affirmation très catégorique d’un de ses reporters : » Des mitrailleuses sont en position sur les toits de plusieurs maisons et aussi sur les tours de la Cathédrale. Malgré les démentis officiels, j’en suis certain ; un de mes compatriotes qui habite Cologne, les a vus tirer, à deux reprises, sur des avions ennemis. »
    Dans un récit très documenté d’une visite à Strasbourg, en 1916, le publiciste américain Th. Curtin, correspondant du Times, a fait des constatations analogues : « La fière Cathédrale, à la somptueuse façade, avec sa flèche de dentelle, avait un pavillon de la Croix-Rouge qui flottait au-dessus de la nef ; et la télégraphie sans fil était installée au clocher. Sur la tour inachevée qui domine la région jusqu’aux Vosges, des sentinelles lentement allaient et venaient. » Cf. Le Times, 22 novembre 1916.