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l’armée sur son compte. Il n’aura pas longtemps à attendre pour la connaître. Convaincu que sa famille va débarquer à Toulon, et déterminé à ne pas se rendre entre Sisteron et Grenoble, comme l’a commandé l’Empereur, il a loué aux environs de Toulon une maison de campagne appelée Plaisance, qui appartient au vice-amiral Allemand. Pour gagner cette campagne, il contourne Toulon, où nombre d’officiers français « le traitent mal. » Entre des officiers au service de Naples, récemment rentrés, et des officiers du 9e de ligne, les querelles sont quotidiennes ; des duels sont proposés et arrêtés ; le lieutenant de police doit inviter le colonel du 9e à prendre des mesures, et, si le Roi paraissait en ville, on ne répondrait de rien.

Murat ne se rend pas compte de cette impopularité. S’il n’ose rompre avec Napoléon, il a lié partie avec Fouché et avec Lucien. Fouché l’a fait soutenir, dès les premières nouvelles, par les deux journaux qui reçoivent directement son inspiration : l’Indépendant et l’Aristarque ont rejeté tous ses désastres sur « l’inconcevable lâcheté de ses troupes » et l’ont applaudi d’avoir « abandonné un peuple sans courage et sans énergie. » Ces insertions impliquent une correspondance dès lors établie entre Murat et Fouché qui, le 11, fait annoncer comme nouvelle positive que « le roi Joachim est dans une terre à quelque distance de Lyon ; » le 17, par le capitaine Gruchet, employé au cabinet du Roi, qu’il lui expédie en courrier, il l’invite à venir attendre les ordres de l’Empereur aux environs de Lyon. Murat accepte avec empressement : le 18, à la fin d’une lettre des plus acerbes contre l’Empereur, qu’il adresse à Mme Récamier, il écrit : « Donnez-moi des conseils ; j’attendrai votre réponse, celle du duc d’Otrante et de Lucien, avant de prendre une détermination… J’attendrai votre réponse sur la route de Marseille à Lyon. »

Son impatience est telle que, dès le lendemain, 19, il adresse à l’Empereur une lettre où il dévoile un état d’irritation qu’il est incapable de dominer. Après s’être étendu sur la violation par les Anglais de la capitulation de Naples, il dit : « Je n’ai plus rien à demander à Votre Majesté. Elle peut sans ménagements prononcer sur mon sort : ses volontés seront exécutées : heureux de m’être perdu pour elle, aucune plainte ne sortira de ma bouche, mais vous pouvez vous dispenser de