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me faire parvenir à l’avenir ce qu’on veut bien appeler des consolations par des personnes que l’on nomme mes amis. Que vos ministres me fassent connaître positivement le lieu de mon exil ; je m’y rendrai sans murmurer. Je vais attendre vos ordres aux environs de Lyon. »

Voilà donc Baudus exécuté avec la mission dont, par délicatesse, l’Empereur l’a chargé pour enlever à ses injonctions quelque chose de leur caractère impératif. Murat accule Napoléon à lui faire passer des ordres par ses ministres, et par quel ministre ? Fouché, qui est dans son jeu, qui y fut toujours, qui a lié partie avec lui au moins depuis 1808, qui, pour lui, en 1814, a formellement trahi Napoléon ! Fouché a-t-il eu l’idée d’un triumvirat au cas où quelque accident écarterait du jeu l’Empereur ? Murat pour le militaire, Lucien pour les Chambres, lui-même pour la diplomatie et le reste ? Cela semble bien possible, et c’est pour cela que Fouché eût cherché à rapprocher Murat de Paris, afin d’avoir sous la main un homme d’exécution. Tandis que Baudus annonçait à Murat que l’intention de l’Empereur était qu’il prit une maison entre Sisteron et Grenoble, Fouché lui écrivait qu’il était libre de « s’établir dans le Dauphiné, le Lyonnais, ou ailleurs. » Alors, Murat a écarté Baudus « dont rien, a-t-il écrit, ne justifiait la mission près de lui » est se conformant aux instructions de Fouché, il va s’acheminer le surlendemain vers Lyon ; et puis, il compte sur Fouché pour obtenir une résidence à trente lieues de Paris.

Il parle à Fouché de la rupture de la Convention de Naples, du transfert de sa famille en Autriche ; « ce nouveau malheur, dit-il, serait seul capable de m’accabler, mais la perte de mon royaume, mais la captivité de ma famille ne sont rien, auprès de la douleur que m’a fait éprouver l’accueil que j’ai reçu de l’Empereur en rentrant en France. Il est inouï, et il ne sera certainement pas facile de faire comprendre aux Français et à leurs ennemis, que Napoléon ait pu priver de l’honneur de combattre pour la France en danger un prince qui vient de perdre pour elle son trône et sa famille. »

Ainsi passe-t-il sous silence l’occupation de Rome, le siège du fort Saint-Ange, l’agression contre l’armée française, sa participation effective à la coalition, toute sa conduite depuis la fin de 1812. Il tient d’ailleurs avant tout à sa réputation militaire. S’il est tombé, ce n’est pas que la nation ne lui soit pas restée