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constamment fidèle, que les généraux ou les simples officiers aient manqué à leurs serments : « les soldats seuls, dit-il, m’abandonnèrent. » À la vérité, tous les soldats. Pour le satisfaire, il faudrait que Fouché remplit les journaux de ses dénégations, de ses apologies, de ses proclamations, des bulletins autrichiens, des conventions conclues par la Reine. « Comment l’Empereur, qui en a reçu une copie bien exacte, n’a-t-il pas jugé à propos de la faire publier ? »

« J’entends dire, ajoute-t-il, que l’opinion de la France m’est contraire, et que les Français ne me pardonnent pas d’avoir cessé un seul instant d’être leur allié ; je ne répondrai rien à cela, mais je me bornerai à les renvoyer au discours de Lord Castlereagh, qui ne m’a que trop justifié. Je répondrai à ceux qui m’accusent d’avoir commencé les hostilités trop tôt, qu’elles le furent sur la demande formelle de l’Empereur et que, depuis trois mois, il n’a cessé de me rassurer sur ses sentimeats en accréditant des ministres près de moi, en m’écrivant qu’il comptait sur moi, et qu’il ne m’abandonnerait jamais. »

En vérité, quel besoin a Murat de conter ces histoires à Fouché, qui sait mieux qu’homme au monde la foi qu’il y faut prendre ? Pour tenter une justification impossible, Murat en arrive à se couvrir du discours de Lord Castlereagh et des documents falsifiés qui ont été produits par lui. Nul mieux que lui, si ce n’est Fouché, ne sait qu’ils sont faux : alors, par quelle étrange audace essaie-t-il de s’abriter derrière eux ? Et c’est par cette phrase comminatoire qu’il termine son apologie au sujet de son entrée en guerre : « Si on m’y force, il ne me sera que trop facile de me justifier à cet égard d’une manière victorieuse. »

Ainsi prend-il l’offensive contre l’Empereur, et semble-t-il assez assuré du concours de Fouché pour lui envoyer cet étonnant plaidoyer. L’on se demande à quel tribunal il le destine : ce n’est point à Fouché avec lequel on ne saurait plus douter qu’il a, l’année précédente, combiné sa défection ; ainsi est-on ramené à la conviction que quelque combinaison a été imaginée qui reproduit avec un élément nouveau, — Lucien, — les intrigues anciennes.

Murat ne devrait pourtant pas douter que l’Empereur n’ait été renseigné point par point sur sa campagne. Fouché avait à Toulon un de ses lieutenants les plus remarquables, Joliclerc,