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que l’Empereur appréciait tout particulièrement, et qui, dès que furent débarqués, de trois bâtiments venant de Naples, environ quatre-vingts passagers, la plupart gens de marque, attachés à la Cour, en avait tiré des renseignements très précis et n’avait point manqué d’en faire part à qui de droit. Mais peu importait à Murat. Il suivait d’abord ses idées, quitte à ce qu’elles se trouvassent en contradiction avec les faits. On voyait ensuite à les faire cadrer.

Le 20, il expédie ces deux dépêches par Gruchet et, convaincu désormais qu’il ne peut plus espérer l’arrivée de Caroline et de ses enfants, ce qui le retenait sur la côte, il se dispose à gagner Lyon, selon qu’il l’a écrit à Fouché. Il annonce à Mme Récamier sa prochaine arrivée, par une lettre où il lui témoigne « sa reconnaissance pour l’aimable et constant intérêt qu’elle lui a témoigné, et lui demande la conservation de son amitié au milieu des malheurs immérités qui l’accablent. »

Le 23, il envoie à Lyon, avec M. de Coussy, chargé de lui louer une campagne, une partie de sa suite et son valet de chambre, Armand, l’un des plus affidés. N’ayant encore, semble-t-il, aucune nouvelle du désastre de Belgique, il part le 25, à huit heures du soir, pour Lyon. Le 26, à six heures du matin, un peu au delà d’Aubagne, il rencontre le général Verdier à la tête de la garnison de Marseille. Devant la populace insurgée à la nouvelle de Waterloo, devant les massacres auxquels elle se livre, et la menace d’une descente anglaise, Verdier a évacué la ville sans combattre, et il se dirige sur Toulon pour rallier l’armée que commande le maréchal Brune. Verdier est des plus anciens camarades de Murat, près duquel il a combattu en Italie, en Egypte, en Syrie ; sous ses ordres en Italie, en l’an X, il l’a retrouvé en Prusse, en Pologne, en Espagne, en Russie, et, fidèle lieutenant d’Eugène, il a combattu avec vigueur le roi de Naples en 1814 : il connaît donc mieux qu’homme au monde ses défauts et ses qualités. Les soldats acclament Murat, les officiers se pressent autour de lui, le supplient de se mettre à leur tête, de marcher sur Marseille, de châtier les massacreurs qu’a enivrés la faiblesse de Verdier. Il refuse, et, durant que la troupe prend la route de Toulon, il regagne Plaisance.

Alors ce sont d’interminables journées d’hésitations, de contradictions, de lettres écrites qu’il faut aussitôt rattraper ; de