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négociations oiseuses avec Brune qui ne sait, lui aussi, à quoi se résoudre, mais qui n’ignore rien des dangers qui le menacent, car le 12 mai, il a télégraphié[1] au ministre de la Guerre : « L’esprit des habitants du Midi est affreux. » Brune a projeté de percer avec ses troupes et de se joindre à l’Armée de la Loire, auquel cas le Roi l’eût accompagné, mais cela est trop simple, et on y renonce ; Murat, de son côté, se compromet en tentatives maladroites près du général de Perreymond qui s’est emparé du commandement de Marseille au nom de Louis XVIII. Il se disperse en des entretiens avec des réfugiés napolitains qui, pour se faire bien venir et tirer quelque argent, certifient que Naples et les Calabres n’attendent que sa présence pour se soulever contre les Bourbons. Amorcent-ils déjà une conspiration ? Sur les conseils plus éclairés du général Rossetti et du duc de Rocca Romana, il se détermine à la fin, le 5 juillet, à expédier à Paris un employé de son Cabinet qui rejoindra M. de Coussy et qui remettra les pouvoirs nécessaires pour prier le duc d’Otrante d’entrer en négociations avec le prince de Metternich, en vue d’obtenir de l’empereur d’Autriche un asile dans ses États.

Avec Fouché, Coussy a déjà fortement avancé une affaire qui ne saurait manquer de tenir grandement au cœur de Murat, et qui, au défaut du trône de France, ou même d’une place de triumvir, lui assurerait au moins une fortune. Murat a chargé Coussy de réclamer les biens qu’il avait acquis en France à titre onéreux et que, par le traité de Bayonne, du 18 juillet 1808 (article séparé no 4), il avait dû céder à l’Empereur, en échange de 500 000 francs de revenu annuel à prendre sur le million de rentes en fonds de terre que l’Empereur s’était réservé dans le royaume de Naples par le statut du 30 mars 1806. Ces propriétés consistaient dans le Palais de Paris (l’Elysée), la maison de campagne de Neuilly, les écuries dites d’Artois, et la terre de la Mothe-Saint-Héraye, avec le mobilier et meubles meublant ces palais et maisons, les tableaux, statues, et tous les objets soit d’art, soit de décoration qu’ils renfermaient : pour le présent, une fortune considérable, immense pour l’avenir. Que la restitution en fût agréable à Murat, l’on

  1. On acheminait les dépêches de Toulon et Marseille sur Lyon, d’où elles étaient télégraphiées par le télégraphe Chappe, ce qui peut expliquer le retard de la nouvelle de Waterloo.