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Gruchet pour lui faire connaître le dénuement du Roi et obtenir quelque chose de lui[1]. »

Parallèlement à Coussy, un autre agent de Murat est entré en action : Francesco Macirone. C’est un personnage des plus suspects, mi-Romain, mi-Anglais, qui sans avoir jamais servi, a été par Murat nommé colonel en 1814. Le Roi l’a employé à des missions secrètes, en Sicile, en Angleterre et à Paris, où il est arrivé au commencement de mai. Il s’est aussitôt concerté avec Fouché qu’il connaît et qui l’a gardé en réserve pour des besognes où il aurait besoin d’agents frais et inédits. Coussy, qui, parti pour Lyon au-devant de Murat, y a appris la nouvelle de Waterloo, est revenu en hâte sur Paris et s’y est concerté avec Macirone. Le 28, Macirone, chargé des instructions de Fouché et muni d’une lettre d’introduction fournie par un agent anglais, peut-être bénévole, un nommé F. Marshall, s’est présenté à Wellington, et, après l’avoir entretenu de la mission dont Fouché l’a chargé au sujet du changement de régime, a parlé de passeports pour Murat et d’un asile à lui donner en Angleterre. Wellington a posé comme première condition l’abdication du Roi, et il a exprimé le désir que Murat écrivit lui-même. Macirone a rendu compte à de Coussy qui en a référé au Roi.

Le 13, Murat a répondu à Coussy, en lui envoyant sa procuration, que le titre qu’il a pris — prince Joachim Murat — est celui qu’il désire porter ; qu’il souhaite par-dessus tout qu’il lui soit permis de rester en France comme simple particulier en donnant toutes les garanties. Quant aux pourparlers avec Wellington, il renonce à aller en Angleterre, s’il doit commencer par signer son abdication, ce qu’il ne pourrait faire d’ailleurs sans avoir vu sa femme et ses enfants : « Je dois avouer, ajoute-t-il, que j’avais une autre opinion du caractère de ce général. Je le croyais aussi généreux qu’illustre, et j’aurais été loin de penser qu’il aurait exigé un si grand sacrifice pour de simples passeports que lui demandait un guerrier malheureux. »

« Maintenant, ajoute-t-il, que tous les souverains sont à

  1. Lorsqu’on connaît la fortune qu’emportait l’Empereur, on peut être surpris de cette prétention : mais en tout cas, la demande eût pu ne point paraître nouvelle à l’Empereur, auquel le duc de Vicence avait écrit le 18 juin : « J’ai déjà eu l’honneur d’entretenir Votre Majesté de la détresse du roi de Naples, il paraît qu’elle est très réelle. Je prie Votre Majesté de me faire connaître si elle a quelque ordre à me donner à cet égard. » Waterloo a suspendu la réponse.