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trop de vérités pour qu’il ne puise pas à bonne source : la demande de passeports se rattache au projet qu’ont formé certains fidèles de Murat de l’entraîner à Roanne par les montagnes, pour y attendre le sauf-conduit qu’a offert M. de Metternich. Mais c’est là le parti que Murat paraît à présent le moins disposé à prendre. Peut-être n’a-t-il consenti à se joindre à Rocca-Romana, San Giuliano et Rossetti, qui ont tous pris des passeports pour Lyon, qu’en vue « de se diriger vers Paris avec ses anciens officiers, en se confondant avec leurs gens pour être plus à portée de suivre les démarches près de Lord Wellington. » Cela prouve la sûreté des informations de Joliclerc qui n’est pas moins bien renseigné quant au bâtiment de commerce.

Murat, en effet, sur la nouvelle qu’un bâtiment marchand allait faire voile de Marseille pour le Havre, n’a point hésité, le 5 août, à abandonner le projet d’un voyage par les montagnes et à chercher les moyens de s’embarquer. Est-ce lui pourtant qui nolise le bateau, ou ne doit-il paraître qu’en simple passager ? La première hypothèse est de beaucoup la plus vraisemblable. Au Havre, il compte attendre les passeports que lui apportera le marquis de San Giuliano, parti en poste pour Paris et Londres. Ce n’est point de Metternich, c’est de Wellington que San Giuliano devra, une fois de plus, réclamer la protection : Murat offre, si on lui accorde un asile en Angleterre, d’envoyer au gouverneur de la place de Gaëte, qui tient encore, l’ordre de capituler.

Les dispositions avaient été prises pour que le Roi s’embarquât le 10 août au matin sur une barque de pêcheur que son neveu, Joseph Bonafoux, mènerait en rade au navire affrété. Mais, par excès de prudence, son nom n’a pas été prononcé ; le capitaine, auquel on n’a pas voulu se confier, ignore à qui il a affaire, et l’on a combiné pour l’embarquement en rade des mesures si compliquées qu’un empêchement devenait probable. Le 9, vers huit heures du matin, le lieutenant-général comte de Lardenoy de Bolandre, que le marquis de Rivière a nommé commandant d’armes à Toulon, « ayant reçu l’avis qu’on venait de voir entrer le roi Joachim dans une maison près de la mairie, envoya sur-le-champ de la troupe, avec un officier supérieur et un commissaire de police pour cerner le local et le fouiller avec le plus grand soin. » On ordonne la fermeture des portes