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conduisit à une première auberge dont les tenanciers dormaient si profondément qu’ils n’ouvrirent point ; puis à une autre, où on leur servit une tasse de café au lait. En allant d’une auberge à l’autre, ils rencontrèrent le commandant Biguglia, chef de bataillon au service de Naples, qui, ayant reconnu le Roi, aborda Galvani, lui rappela qu’on était au jour de la Saint-Louis, que la ville était en fête, et que la garnison était sur pied pour la revue. Il fallait déguerpir au plus tôt et s’en aller dans quelque village de l’intérieur, où le Roi ne risquerait ni d’être arrêté par les autorités, ni, ce qui était pis, d’être massacré par la populace, qui, à Bastia, était fort hostile aux Français !

L’année précédente, en effet, « sous prétexte de hâter l’instant où Louis XVIII devait être reconnu, il s’était formé en ville un comité secret pour organiser l’insurrection qui éclata le 11 avril ; insurrection dont le résultat fut le pillage des magasins de l’État, l’assassinat de plusieurs individus et la remise des places aux Anglais. » Cette année même, lorsqu’on avait connu, en Corse, le renouvellement de la guerre européenne, les partisans des Anglais avaient relevé la tête ; le duc de Padoue, gouverneur de la Corse, avait voulu mettre en défense les places de l’Ile, et organiser, à cet effet, cinq bataillons de chasseurs. Devant l’opposition qu’il avait rencontrée, les menées qu’il avait surprises, il avait ordonné quelques arrestations. Un nommé Rinaldi s’était mis en défense : assisté de ses deux fils, il avait tué trois gendarmes et en avait blessé plusieurs. Il avait été condamné à mort par une commission militaire, et passé par les armes. Cela avait arrêté l’insurrection préparée. Mais on avait à venger les Rinaldi.

Jusqu’à la mi-juillet, tout était resté à peu près tranquille : mais le 22 avait débarqué en Balagne un nommé Galloni, ci-devant attaché, avec le grade de commandant, à l’État-Major du général Bruslart. Ce François-Antoine Galloni, émigré en Toscane l’année 1791, avait fait les campagnes de 1796 à l’armée de Condé, puis était allé servir les Bourbons de Naples, sous le comte de Damas. En 1814, le chevalier de Bruslart, nommé commandant en Corse, l’avait appelé dans son État-Major, avec le grade de chef de bataillon. C’était lui qui avait