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colonel pour son chef d’État-Major, afin de rester sous son nom le maître de la Corse.

D’un tel individu tout était à craindre, et l’on ne pouvait douter que le conseil de Biguglia ne fût excellent. Mais où aller ? Ce fut encore Biguglia, assure Galvani, qui désigna le Vescovato, où M. André Colonna-Ceccaldi, « l’un des chefs de l’Insurrection de 1799, » avait un établissement d’une certaine importance. Il était maire de sa commune et, ce qui devait le recommander à Murat, beau-père du général Franceschetti, jadis à son service.

Le Roi se rendit donc à pied hors la ville, au lieu dit de Torretta, pour attendre, avec Galvani, les chevaux que devait emmener Biguglia. C’étaient de malheureuses rosses qui ne purent faire d’une traite les vingt-six kilomètres qui séparent le Vescovato de Bastia. Le Roi n’arriva qu’à midi, en pleine chaleur d’août, chez M. Colonna-Ceccaldi. Il monta au second étage où il trouva le général Franceschetti qui l’accueillit avec émotion, mais qui fit aussitôt écrire, par son beau-père, au colonel Verrier, une lettre où il rendait compte comme « fidèle sujet de Sa Majesté Louis XVIII, » de l’arrivée de l’ex-roi de Naples qui lui avait demandé asile. « Il dort cette nuit dans ma maison, disait-il, j’ignore à quoi il pourra ensuite se décider. »

Il y avait là une invite à laquelle les autorités civiles et militaires de Bastia ne pouvaient manquer de répondre, car depuis le matin elles étaient fort anxieuses. Aussitôt après l’arrivée du bateau-poste, et le débarquement des passagers inconnus, « le bruit s’était répandu en ville, écrit le maire de Bastia, que, parmi ces quatre individus, il y avait M. Murat, ex-roi de Naples. Le commissaire de police, la garde nationale et moi, nous fîmes tous nos efforts pour parvenir à le découvrir. L’on a acquis la certitude qu’après s’être rafraîchi, il était parti pour la commune du Vescovato, loin de Bastia trois myriamètres environ. » Le maire avait alors mandé les trois autres individus ; il les avait fait arrêter et les avait consignés au commandant d’armes, qui devait les tenir à la disposition du gouvernement. Le maire rapportait ensuite la copie de la lettre que le colonel Verrier, commandant la 23e division militaire, avait reçue de M. Ceccaldi ; il ignorait les mesures que prendrait M. Verrier, « mais, ajoutait-il, l’on des motifs très