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fondés pour croire que l’ex-roi de Naples est venu dans cette île non seulement pour s’y réfugier, mais pour tâcher de la rendre indépendante. Sa présence dans l’intérieur de la Corse, avec de l’argent et une grande quantité d’officiers et soldats à la demi-solde qui l’ont servi, et des Français arrivés récemment de Toulon, pourrait allumer la guerre civile dans ce pays où l’on ne doit pas se dissimuler que le parti bonapartiste paraît très disposé à jouer son reste. »

Si telles étaient les impressions du maire, que devaient être celles de Galloni ? À l’en croire, ce fut lui qui fit arrêter Anglade, Donnadieu et Blancard : « mais le colonel Verrier les fit mettre en liberté deux jours après et ils se rendirent sur-le-champ au Vescovato près de Murat. »

Galloni cependant avait proposé au colonel Verrier de prendre deux cents hommes et de marcher sur le Vescovato, pour y arrêter Murat, mais Verrier refusa. « Il prétendit que l’ex-roi de Naples n’était pas désigné par le Roi comme devant être arrêté, et il ne voulait point permettre son arrestation, mais, ajoute Galloni, l’intérêt de ma patrie me détermina à m’assurer de Murat, puisque le colonel s’y refusait. Le manque de munitions, que je ne pouvais obtenir que par l’ordre de cet officier, m’empêcha seul d’effectuer mon projet. »

Le colonel voulait en effet éviter tout ce qui eût compromis la tranquillité de la Corse, « tranquillité, écrivait-il à Colonna-Ceccaldi, que je cherche à maintenir par tous les moyens qui sont en mon pouvoir, comme le premier élément du bonheur des habitants de ce pays. Peu après la nouvelle de l’arrivée du général auquel vous avez donné l’hospitalité, ajoutait-il, je savais déjà qu’il était retiré chez vous, mais, comme tous les hommes ne sont pas raisonnables, cet événement a fait faire sur-le-champ des conjectures d’où sont résultés des rassemblements que nous avons eu de la peine à dissiper. Vous voyez, monsieur, que les habitants de la ville de Bastia ainsi que ceux des campagnes, amis de l’ordre et de la tranquillité, verraient avec peine que quelqu’un vînt troubler leur félicité. C’est donc en leur nom et au mien particulièrement que je vous prie de représenter à votre hôte combien son séjour en Corse peut nuire à votre pays autant qu’à sa personne. » Il engageait donc Colonna-Ceccaldi presque avec Supplications, « à presser le général de hâter son départ pour un autre pays. »